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« Après le débat terminé, M. Pultney avoua qu’il n’avait jamais entendu une si belle discussion de notre côté, et il dit à sir R. : « En vérité, personne ne s’en acquitte aussi bien que vous. — Si fait, répondit sir R., Yonge s’en est acquitté mieux. » M. P. reprit : « C’était beau, mais cela ne valait pas ce que vous avez dit. » Ils le reconnaissent tous, et leur plan est maintenant de persuader à sir R. de se retirer avec honneur. Toute la soirée, le bruit a couru par la ville que lui et mon oncle devaient être envoyés à la Tour, et le peuple a loué des fenêtres dans la Cité pour les voir passer ; mais pour cette fois je crois que nous ne donnerons pas le spectacle d’une parade aussi historique.

« Le soir du comité, mon frère Walpole[1] avait reçu deux ou trois invalides dans sa maison, voulant les conduire dans la chambre par son entrée, parce qu’ils étaient trop mal pour faire le grand tour par Westminster-Hall ; les patriotes, qui ont beaucoup plus d’invention que leurs prédécesseurs de grecque et romaine mémoire, avaient pris la précaution de boucher le trou de la serrure avec du sable. Combien l’éloquence de Tite-Live eût été embarrassée, s’il y avait eu des portes de derrière et des trous de serrure au temple de la Concorde !

« Il y a peu de jours, un état des officiers en garnison à Port-Mahon a été produit devant la chambre des lords. Malheureusement il paraît que les deux tiers du régiment se sont trouvés absens. Le duc d’Argyle a dit : « Un semblable état est un libelle contre le gouvernement. » Et de tous les assistans, celui qui se leva fut le duc de Newcastle pour tomber d’accord avec lui. Rappelez-vous ce que je vous ai dit déjà une fois de son union avec Carteret…

« L’autre soir, l’évêque de Canterbury était avec sir Robert, et, en s’en allant, il lui dit : « Monsieur, je lisais dernièrement de Thou ; il parle d’un ministre poursuivi long-temps par ses ennemis, et qui les vainquit à la fin. » La raison qu’il en donne est : Quia se non deseruit. »


« Londres, 4 février 1741-2.

« Je suis malheureux de n’avoir pas plus de temps pour vous écrire, surtout quand vous devez avoir besoin d’en tant apprendre de ce que j’ai à vous dire ; mais pour huit ou quinze jours je serai si affairé, que j’aurai peine à savoir ce que je dis. Je suis assis à vous écrire, recevant toute la ville qui vient en foule dans cette maison. Sir Robert a déjà eu trois levers ce matin, et les salons sont encore encombrés, et l’encombrement vient jusqu’à moi. Vous croirez que c’est le prélude de quelque victoire. Rien au contraire, lorsque vous recevrez cette lettre, il n’y aura plus de sir Robert Walpole. Vous devrez le connaître à l’avenir sous le titre de comte d’Orford. L’autre nom, si odieux à l’envie, expire la semaine prochaine avec son ministère.

« Comme explication de ce changement, je vous dirai que la semaine dernière nous avons délibéré, dans la chambre des communes, sur l’élection de Chippenham, à propos de laquelle Jack Frederick et son beau-frère, M. Hume, pétitionnaient de notre côté contre sir Edmund Thomas et M. Baynton Rott. Les deux partis en avaient fait la question décisive ; mais tous nos gens ne furent pas également fidèles, et, sur la question préjudicielle, nous n’eûmes que deux

  1. Robert, lord Walpole, était auditeur de l’Échiquier et habitait, en cette qualité une maison attenante au bâtiment de la chambre des communes.