Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/652

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

diplomates assemblés à Munster[1]. Mme de Longueville y est représentée en buste avec la plus parfaite exactitude. Dans la gravure même, on y sent des yeux d’une douceur charmante. Une forêt de blonds cheveux flotte autour du plus gracieux visage. Son sein à demi découvert paraît dans sa beauté modeste. Un léger collier de perles laisse voir un cou jeune et délicat. Au-dessous du portrait, on a mis d’assez mauvais vers qui sont peut-être de d’Avaux, ou que Voiture aura envoyés.

Cependant toutes les ruelles de Paris réclamaient cette reine du congrès de Munster. Godeau ne cessait de la redemander au nom de l’hôtel de Rambouillet :

« Ne vaut-il pas mieux, madame, lui écrivait-il, que vous reveniez à l’hôtel de Longueville, où vous êtes encore plus plénipotentiaire qu’à Munster ? Chacun vous y souhaite cet hiver : monseigneur votre frère est revenu chargé de palmes ; revenez couronnée des myrtes de la paix, car il me semble que ce n’est pas assez pour vous que des branches d’olivier. Je n’ose m’expliquer davantage, de peur de vous dire une, galanterie. C’est ce que je laisse aux Julies et aux Chapelains, etc.[2]. »

Elle-même en avait assez de son magnifique exil, bien qu’elle dissimulât son ennui avec sa politesse et sa douceur habituelles. Dans l’hiver de 1647, elle eut deux raisons pour revenir en France. Son père, M. le Prince, mourut à la fin de décembre 1646, perte immense pour sa famille et pour la France, et dont les conséquences se firent plus tard vivement sentir. De plus, Mme de Longueville était devenue grosse à Munster. Sa mère voulut qu’elle revînt faire ses couches auprès d’elle, et il fallut bien que M. de Longueville consentît à laisser reprendre à sa femme le chemin de Paris.

Son retour en France, à Chantilly d’abord, puis à Paris, au mois de mai 1647, lui fut un bien autre triomphe encore que son voyage sur le Rhin et son séjour à Munster. Elle retrouva la cour de ses adorateurs plus nombreuse et plus empressée que jamais, et au premier rang son jeune frère, le prince de Conti, qui sortait du collège et faisait ses premiers pas dans le monde. Disons un mot de ce nouveau personnage, qui paraît pour la première fois, et jouera un assez grand rôle dans la vie de Mme de Longueville.

Armand de Bourbon, prince de Conti, né en 1629, avait dix-huit ans en 1647. Il avait de l’esprit et n’était pas mal de figure ; mais quelque défaut dans la taille et une certaine faiblesse de corps l’avaient fait juger assez peu propre à la guerre, et on l’avait de bonne heure destiné

  1. In-folio, Rotterdam, 1697. Ce portrait a été gravé de nouveau par Odieuvre, et on le rencontre partout.
  2. Villefore, Ire partie, p. 75.