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assez promptement enfoncée et s’enfuit en désordre. Châtillon marche à son aide avec sa gendarmerie ; elle ramène vivement les Lorrains et menace d’en faire un carnage. On ne pouvait les abandonner. L’archiduc envoie à leur secours toute sa cavalerie. Le combat s’engage ; toute l’armée ennemie s’ébranle et descend dans la plaine. C’est là ce que voulait Condé. Cette manœuvre, qui eût échoué à Nortlingen, réussit à Lens. L’armée impériale avait encore l’immense désavantage d’être obligée de se former à mesure qu’elle avançait, tandis que l’armée française était depuis le matin rangée en bon ordre au bout de la plaine, sur un terrain bien choisi. Condé comptait particulièrement sur la gendarmerie de Châtillon ; il l’avait rappelée bien vite après le premier engagement, et l’avait mise à la seconde ligne pour lui donner le temps de se rafraîchir ; puis, quand les deux corps de bataille en furent venus aux prises, il la lança de nouveau avec son intrépide général, et, après avoir été si utile au début de la journée, elle la décida en renversant tout ce qu’elle rencontra devant elle. Restait l’infanterie espagnole, qui ne montra pas la même opiniâtreté qu’à Rocroy, et demanda la vie. Le vieux général Beck se conduisit comme Fontaine et Mercy : il se battit en lion, fut blessé et pris, et mourut de désespoir. L’archiduc Léopold, après s’être fort bien conduit, se sauva dans les Pays-Bas avec le comte de Fuensaldaigne.

La victoire de Lens était aussi nécessaire et elle fut tout aussi utile que celle de Rocroy : on lui doit la reprise des négociations de Munster et la conclusion du traité de Westphalie. Ce traité est le suprême résultat des cinq grandes campagnes de Condé en Flandre et sur le Rhin. Condé était là en quelque sorte le négociateur armé, M. de Longueville était à Munster le négociateur pacifique.

Le père Bougeant, dans son estimable histoire du traité de Westpbalie[1], suppose que Mazarin envoya le duc de Longueville à Munster « pour éloigner de la cour un prince capable d’y exciter des troubles ; » mais en 1643 Mazarin n’avait plus de troubles à redouter, et le duc de Longueville n’était pas homme à en faire naître : il se laissait conduire alors, ainsi que tout le reste de la famille, à la politique de son chef, M. le Prince. Il est bien plus à croire que c’est le crédit de ce dernier qui lit donner l’ambassade de Munster à son gendre. Mazarin ne l’avait pas choisi pour sa capacité, bien qu’il n’en fût pas dépourvu, mais pour faire marcher ensemble d’Avaux et Servien, qui ne s’entendaient guère, et donner de l’éclat à la légation française. Il demeurait toujours le maître des négociations, et les Condé devaient être flattés d’être à la tête de la plus importante affaire diplomatique, comme ils

  1. Histoire des Guerres et des Négociations qui précédèrent le traité de Westphalie, 3 vol. in-4o.