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n’ayant eu le commandement de l’armée qu’à la fin de la campagne, il la termina par un siège mémorable, où il se couvrit de gloire : il prit Dunkerque le 11 octobre 1646.

Accoutumé à réparer les défaites des autres, Condé alla remplacer en 1647 le comte d’Harcourt, qui venait d’échouer devant Lerida. Mazarin avait voulu plusieurs fois envoyer Condé en Catalogne ; son père. M. le Prince, s’y était toujours opposé, et tous ses amis le dissuadèrent d’accepter ce commandement. Il montra certes une grande déférence envers Mazarin en quittant le théâtre ordinaire de ses exploits pour un pays où il fallait faire une petite guerre peu en rapport avec son génie, avec une ombre d’armée incapable de livrer une bataille et bonne tout au plus à se soutenir devant l’ennemi. Quand tout le monde s’était moqué du comte d’Harcourt, qui n’avait pu prendre Lerida. Condé avait eu le bon sens et la générosité de défendre cet excellent général ; il s’était d’avance défendu lui-même. En effet, arrivé à son tour devant Lerida, et n’ayant reçu de France ni les secours de troupes qu’on lui avait promis, ni les munitions et l’artillerie qui lui étaient absolument nécessaires, n’ayant pas assez de forces pour aller au-devant de l’armée espagnole et ne pouvant songer à prendre d’assaut Lerida avec dis soldats éteints, il eut le courage de lever le siège et de faire une bonne retraite, préférant le salut de l’armée à sa propre réputation. Cette conduite, soutenue avec sa hauteur accoutumée, lui fit le plus grand honneur, et prouva qu’il était maître de lui et savait employer tour à tour la prudence ou l’audace, selon les circonstances.

C’est ainsi qu’en 1648, à Lens, trouvant l’archiduc Léopold dans une position formidable, comme celle de Mercy à Nortlingen, il reconnut qu’il serait d’une souveraine imprudence de tenter une seconde fois la fortune, et sachant bien qu’il n’avait plus affaire à Mercy, il entreprit d’attirer l’archiduc Léopold et le général Beck sur un terrain plus favorable, dans une plaine où la principale force de l’armée française, la gendarmerie, commandée par Châtillon, devait avoir un grand avantage. Du côté des Espagnols étaient le nombre, l’abondance et la discipline ; du côté des Français, la misère et l’audace. L’archiduc avait son centre adossé à des bourgs et à des hameaux formant des retranchemens naturels. Sa droite, composée de tout ce qui restait des vieilles bandes nationales, s’appuyait à la ville de Lens. L’aile gauche était postée sur une éminence à laquelle on ne pouvait arriver qu’à travers les plus étroits sentiers. Il fallait manœuvrer avec un art infini pour faire abandonner à l’ennemi cette position inexpugnable. Condé commanda une fausse retraite, qu’expliquait parfaitement la faiblesse de l’armée française. Beck trompé détache la cavalerie lorraine pour inquiéter et, s’il se peut, tailler en pièces notre arrière-garde, qui est