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persista ; mais son obstination, qui pouvait porter un tel préjudice au public, révolta même ses propres partisans, et sept d’entre eux parlèrent contre lui. Nous gagnâmes la question à 24 voix, et une autre à 21, le samedi d’après. Lundi et mardi, nous sommes arrivés à l’élection de Westminster. Murray[1] parla divinement. Il était leur conseil. Lloyd lui répondit extrêmement bien ; mais, en résumant les preuves des deux côtés et dans sa réplique, Murray a été au-dessus de ce qu’on a jamais entendu au barreau. Ce même jour (mardi), nous en sommes venus à juger la cause, et à dix heures nous avons voté et perdu. Ils ont eu 220 voix, nous 216. L’élection a donc été déclarée nulle. Vous voyez que le nombre quatre leur porte bonheur. Nous avions dans la ville quarante-et-un membres qui n’ont pu ou voulu venir. Le temps est la pierre de touche des consciences flottantes. Tous les procédés, argent, promesses, menaces, tous les moyens de la première année 41 ont été employés, et l’intérêt personnel, sous la forme de membres écossais, même de plusieurs membres anglais, agit au profit de leur parti et au détriment du nôtre. Lord Doneraile, un jeune Irlandais, élu par la protection de la cour, s’est vu attaqué par une pétition, quoique son compétiteur n’ait eu qu’une seule voix. Ce jeune homme a parlé aussi bien qu’homme ait jamais parlé dans sa propre cause. Il a insisté pour que la pétition fût entendue, et il a conclu en déclarant que sa cause même était sa défense et l’impartialité son appui. Savez-vous qu’après cela il est allé s’engager, si l’on retirait la pétition, à voter avec eux dans l’affaire de Westminster ? Ses amis lui reprochèrent si fortement sa faiblesse, qu’il en fut fâché et alla trouver M. Pultney pour se dégager. Celui-ci dit qu’il avait sa parole et ne la lui rendrait pas, quoique lord Doneraile déclarât que c’était contre sa conscience. Et cependant il a voté la première question avec eux, et il nous a fait perdre celle de la censure du haut-bailli à une seule voix, car on a été cette fois 217 contre 215. Le changement d’un seul vote aurait produit l’égalité, et l’orateur, je suppose, se serait alors prononcé pour le parti de l’indulgence et aurait décidé pour nous. Après cela, M. Pultney, avec une humanité affectée, a consenti seulement à mettre le haut-bailli sous la garde du sergent d’armes. Puis une majorité de six voix a voté que les soldats qu’on avait envoyé chercher, après la clôture du poil, pour sauver la vie de lord Sundon, étaient venus militairement et illégalement, et avaient influencé l’élection. En somme, on a décidé, comme M. Murray le leur avait dicté, qu’aucun magistrat civil, sous quelque prétexte que ce soit, fût-il hors d’état de réprimer une émeute à l’aide de la milice et des constables, ne peut appeler le secours de l’armée. N’est-ce pas là faire la besogne des jacobites ? Ont-ils une autre idée que de rendre vain l’acte sur les émeutes (riot act) ? Et alors ils pourront se soulever pour le prétendant toutes les fois qu’il leur plaira. Ensuite ils ont fait la motion de punir le juge Blackerby pour avoir appelé les soldats, et quand on a demandé qu’il pût être entendu dans sa défense, ils ont dit qu’il avait déjà confessé son crime. Songez un peu, sans être accusé, sans savoir ou sans qu’on lui eût dit que c’était un crime, un homme témoigne dans une autre cause, qui n’est pas la sienne, et puis on appelle cela s’accuser soi-même ! et on le veut

  1. William Murray, si célèbre depuis, comme magistrat du parti de la cour, sous le nom de lord Mansfield.