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crises politiques les plus diverses? Tout ceci témoigne singulièrement de l’activité qui dévore notre siècle, de la puissance de l’homme à dompter la nature, à disposer du temps et de l’espace ; cela peut être admirable comme tendance à élever l’état matériel de la société. Il ne faudrait point se faire illusion cependant. Toutes ces œuvres sont le fruit de la civilisation, elles n’en sont point la garantie, elles n’en assurent point la durée : nous en avons pour témoin cette grande race romaine qui peuplait les villes de monumens, entassait les travaux gigantesques, ouvrait des routes dont les vestiges survivent encore, au moment où le sceptre du monde allait lui échapper. Elle laissait voir, elle aussi, cette absence d’équilibre entre la civilisation morale et la civilisation matérielle, qui tend à devenir une des conditions des sociétés contemporaines, et une des causes du malaise qui les travaille. Voilà ce qui doit causer quelque souci aux esprits réfléchis et éveiller en eux quelque doute, non sur Futilité du progrès matériel, mais sur la place qu’il occupe dans l’ordre général des choses. Bâtir et ouvrir des chemins de fer, soit; mais cela n’est point assez. Au moment même de l’inauguration du chemin de Strasbourg, M. le ministre de l’intérieur, présidant la distribution des prix de la dernière exposition de peinture, aimait à associer, dans un langage énergique, l’œuvre des arts à l’œuvre de l’industrie; iv jurait très résolument aux artistes qu’ils avaient un gouvernement qui leur donnerait une époque de prospérité. M. le ministre de l’intérieur faisait très sincèrement, nous en sommes convaincus, la seule promesse qu’il pût tenir, — celle de la protection du gouvernement, qui s’étendait, sans nul doute, aux lettres, bien que ce fût sous-entendu. Ce qu’il ne pouvait promettre, c’était l’inspiration, c’est-à-dire ce qui émane de la société elle-même, de sa vie morale. Or c’est là ce qui peut frapper : l’époque actuelle réunit-elle des conditions plus efficaces pour favoriser cette inspiration qui se traduit en œuvres d’art, en œuvres littéraires? L’activité des esprits, rejetée du domaine de la politique, retrouvera-t-elle une fécondité nouvelle dans le domaine de la pensée et de l’imagination? Cela est possible; il dépend un peu de tout le monde, du gouvernement tout le premier, d’aider à ce résultat. Ce qui n’est point douteux, c’est que sans ce développement moral et intellectuel les œuvres matérielles ne sont que la décoration somptueuse d’une société qui a déjà perdu une part d’elle-même.

Revenons à un ordre de faits d’une signification un peu moins générale et un peu moins vaste. L’inauguration du chemin de Strasbourg, tout en restant l’événement du jour, n’a point empêché quelques incidens plus ordinaires. Au point de vue financier, il y aurait à noter la restitution à la Banque de 25 millions à compte sur le prêt de 50 millions fait au trésor au mois de mars 1848. Ce remboursement se fonde sur l’augmentation croissante de l’encaisse du trésor, et cela peut prouver du moins quelque fermeté dans nos finances. Au point de vue administratif, le Moniteur enregistre chaque jour les nominations des maires, qui sont aujourd’hui, comme on sait, dans les attributions du pouvoir exécutif. Voici d’ailleurs le moment où tous les conseils locaux, depuis ceux des départemens jusqu’à ceux des communes, vont se renouveler par l’élection, en vertu de la loi récente sur l’organisation départementale et municipale. Les élections ont commencé déjà sur plusieurs points, et il ne