Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/577

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce ne sont pas cependant les richesses agricoles qui manquent au Pérou. San Miguel de Piura cultive des cotons que l’on embarque à Payta; Pisco est célèbre par ses eaux-de-vie, Iquique par ses salpêtres, les îles Chincha par leur guano[1]. Les quinquinas sont une des branches les plus lucratives du commerce péruvien; recueillies sur les Andes, leurs écorces sont apportées à des de mulet et d’alpaca jusqu’à la côte par des chemins qui ne peuvent être parcourus que par les bêtes de somme ou des Indiens. La nature a encore réuni à ces richesses la cochenille, la vanille, des gommes précieuses, des baumes, de la cire, des bois d’ébénisterie et tant d’autres produits qui seront perdus faute de moyens de transport, jusqu’au jour où ils trouveront leur écoulement naturel par les affluens de l’Amazone et de la Plata. L’étude de la canalisation de ces rivières est une grave question pour le Pérou. Quoique mal exploitées, les mines sont encore pour le pays une grande source de richesse publique et privée. Il est regrettable que le manque de combustible dans tout le pays métallifère, ainsi que la rareté de l’eau, entravent les travaux d’exploitation. — Plusieurs mines d’argent ont été abandonnées à cause de la cherté du mercure, mais elles pourront être reprises dès que ce minéral sera plus commun, ce qui ne peut manquer d’arriver, si la Californie continue à le fournir dans les mêmes proportions. L’industrie manufacturière, encore dans l’enfance, a marqué, comme cela arrive souvent dans d’autres pays, sa première conquête en transformant une œuvre d’art en œuvre utilitaire : une filature de coton, qui s’est établie sur le cours d’eau destiné à alimenter les bains de la Pericholi à Lima, enveloppe dans ses dépendances la charmante maison mauresque, jadis habitée par la célèbre comédienne. — Cette filature compte quelques succès; la protection du gouvernement la met à même de lutter avec avantage contre les grosses toiles de coton que les Anglais et les Américains introduisent au Pérou. Il existe aussi dans l’intérieur quelques métiers servant à tisser des toiles (tocuyos) à peu près semblables à celles qui sortent de la filature de Lima; mais le préjugé qui les faisait rechercher par les Indiens tend à disparaître, et avec lui se perdra cette industrie locale. Avec la manufacture dont il a été question, quelques minoteries et distilleries sont les seuls établissemens industriels sérieux de Lima.

On méditait, depuis quelques années, de relier la capitale avec son port de Callao par un chemin de fer. Cette idée vient d’être mise à exécution. Le niveau du Rimac, pris au pont Montes-Claros, n’étant élevé au-dessus de l’océan que de 99 mètres 45, et la voie ferrée

  1. Il faut malheureusement, pour charger aux îles Chincha, qui sont à quarante lieues au vent de Callao, venir prendre un permis à la métropole, gagner à vide contre le vent le terrain perdu, revenir une seconde fois faire son expédition, toutes choses qui augmentent considérablement les frais et les retards.