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sans devenir premier ministre, quoiqu’il fût bien, autant que Stanhope, le guide ou le leader de la chambre des communes ; mais ce ministère ne resta pas long-temps uni. Lord Townshend s’aperçut qu’il en était le chef plutôt que le maître, et un jour son mécontentement alla grossir cette réunion de jacobites, de tories et de whigs détachés qui formait l’opposition, en sorte qu’elle se trouva en majorité. Le roi le remercia de ses services, et sa retraite entraîna la démission de Walpole, son beau-frère, et celle de William Pulteney, secrétaire de la guerre (1717).

Walpole ne tarda pas à devenir l’orateur et le chef redoutable d’une hostile coalition. C’est un moment qui se retrouve dans la vie de presque tous les hommes d’état des pays libres que celui où, au grand scandale des gens paisibles, ils retournent contre le pouvoir les armes que dans le pouvoir ils ont eux-mêmes repoussées, et rallient à tout risque des oppositions diverses pour les conduire en colonne d’attaque à l’assaut du gouvernement. Walpole, Chatham, Pitt, ont eu de ces retours offensifs ; mais personne plus que le premier ne l’a fait avec une audacieuse résolution. Il attaqua les armées permanentes, les lois sur la discipline militaire, il fit alliance avec les chefs du jacobitisme qui l’avaient mis en prison ; mais, quoique sa réputation ne s’abaissât pas dans l’opposition, et qu’il grandît encore comme discuteur parlementaire, comme debater, suivant l’expression anglaise, il ne réussit pas à ébranler le ministère de Stanhope et de Sunderland, et il fallut qu’en 1720 il traitât avec eux et même à de modestes conditions. Il redevint payeur-général, et Townshend ne fut que président du conseil. Bien prit à Walpole qu’un bill imprudent vînt, à l’effet de consolider en un seul fonds toute la dette publique, donner à la compagnie de la mer du Sud la faculté de racheter avec son papier les huit millions sterling d’annuités créées dans les deux derniers règnes, et, par le crédit hyperbolique et factice qu’y gagna cette institution, provoquer une crise d’agiotage qui peut se comparer à la crise analogue amenée presque en même temps par le système de Law dans un pays voisin. Cette illusion d’une richesse imaginaire, exploitée par la crédulité et par la fraude, fut bientôt suivie d’une réelle ruine et d’une alarme universelle. Tous les yeux se tournèrent vers Walpole, seul jugé capable de restaurer l’ordre financier et le crédit public. Il reprit les fonctions de chancelier de l’échiquier et devint le maître de la situation (octobre 1720). Peu après, par la mort de Stanhope, bientôt suivie de celle de lord Sunderland, à qui il avait succédé comme premier lord de la trésorerie, il vit son autorité s’accroître encore, et, sous son influence, la tranquillité renaître dans le parlement et dans le pays. Le parti whig tout entier fut avec le pouvoir, et les autres partis rentrèrent dans le silence. Pendant plusieurs années, l’histoire