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supplications de M. Dupuy, sera nécessairement pour beaucoup dans les conditions du succès plus ou moins grand qui lui est réservé, et ici je n’ai pas besoin de le répéter, la grandeur du succès, c’est la vitesse.

La vitesse ! c’est là aujourd’hui que dans toutes les directions semble se porter le plus puissant effort de l’esprit humain. On dirait qu’il n’est préoccupé que d’une chose, transmettre sa pensée et l’exécuter par les moyens les plus rapides et les plus sûrs. Le télégraphe électrique, les chemins de fer, la marine à vapeur, toutes ces inventions marchent de concert, et sont inspirées par les mêmes besoins, les mêmes instincts, les mêmes idées. Vienne la guerre, qu’il est permis moins que jamais aujourd’hui de désirer, mais qu’il faut toujours prévoir ; vienne la guerre, et le télégraphe électrique transmettra jour et nuit, et en quelques minutes, de Paris à Toulon, les instructions les plus détaillées. Les chemins de fer y amèneront en quelques heures nos braves soldats, et au bout du chemin de fer nos soldats trouveront ces rapides vaisseaux à vapeur qui, défiant et déjouant par leur vitesse toute la vigilance ennemie, les porteront à coup sûr et à heure fixe sur le point que la pensée des chefs aura assigné à leur débarquement. Et voyez comme tout se lie et s’enchaîne en ce monde ! au moment où nous est donné ce nouveau mode de guerre si brusque, si décisif, si favorable à la furia francese, voilà que des hommes du génie le plus inventif, MM. Delvigne, Tamisier et Minié (pourquoi ne citerais-je pas leurs noms, qui honorent la France ?) mettent entre les mains de nos soldats cette carabine dont la portée extraordinaire rend presque superflu, au moins dans les opérations de cette nature, l’emploi de l’artillerie de campagne. Réservé presque uniquement au cas où il faudra enfoncer des portes et des murailles, ce matériel si difficile à mouvoir, si lent à embarquer et à débarquer, n’embarrassera plus ici de son poids la rapidité de nos expéditions. Quel changement ! quelle face nouvelle donnée à l’art de la guerre ! Comment ne pas admirer ce travail continuel de l’esprit humain, marchant ainsi de découvertes en découvertes, de conquêtes en conquêtes ? Et quelles seraient les limites du génie de l’homme, si l’énergie des caractères allait de pair avec les puissans développemens de l’intelligence ! Mais, hélas ! c’est là que Dieu a posé la borne où vient se briser notre orgueil !

Ici s’arrête notre tâche : elle serait bien remplie, si nous étions parvenu à faire connaître un peu notre escadre ; si, en rappelant les services qu’elle a rendus au pays, nous avions su indiquer ceux qu’elle peut lui rendre encore ; si enfin nous avions réussi à faire apprécier ce qui en est le moins connu, son personnel, et à obtenir du lecteur qu’il aimât nos marins comme nous les aimons nous-mêmes.

En terminant, il y a un point, un seul, sur lequel nous insisterons