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Kentucky, son pays adoptif (il était Virginien), de 1803 à 1810, son nom commença à jeter un grand éclat en 1811, lors de la guerre entre les États-Unis et l’Angleterre. Élu représentant du Kentucky au congrès, il fut nommé président de la chambre, honneur qui lui fut successivement conféré jusqu’en 1825. Partisan de la guerre, il soutint, aidé par Calhoun, le courage du président Madison, qui était beaucoup moins zélé que lui à cet endroit, et contribua à la terminer comme négociateur au congrès de Gand en 1814. A partir de ce moment, sa conduite politique devint moins ardente que par le passé; il abandonna entièrement le parti démocratique, et se fit le chef du parti whig. Il fit reconnaître l’indépendance des républiques de l’Amérique du Sud, fit prévaloir son système de protection pour les manufactures nationales, mit un terme aux agitations qui menaçaient de déchirer l’Union en faisant adopter son compromis du Missouri, qui proclamait l’admission de cet état au sein de l’union. Désigné plusieurs fois par ses amis pour la présidence, il s’est vu préférer tantôt quelque brave soldat sans expérience politique, tantôt quelque obscur démocrate comme M. Polk. Il n’en avait pas gardé rancune à son pays, et on le vit bien en 1849, lorsque les électeurs du Kentucky vinrent le chercher dans sa retraite pour le renvoyer au congrès, plaider la cause de l’Union. Les luttes qu’il a dû soutenir pour arriver à faire triompher son compromis, et qui sont dans la mémoire de tout le monde, ont abrégé sa noble vie, dont il a dépensé cinquante ans au service de son pays. Sa mort a été un véritable deuil public. Il faut rendre justice aux Américains : leurs choix pour la première magistrature de l’état ne sont pas toujours les meilleurs; mais cela ne les empêche pas d’admirer et d’aimer leurs hommes éminens, ceux qui les ont servis et leur ont dévoué leur vie; ils aiment avec passion leur Clay, leur Webster, et bien qu’ils n’aient nommé ni l’un ni l’autre président, ils ne les confondent nullement avec M. Polk ou M. Pierce.

Ceci nous amène tout naturellement à dire un mot des choix faits par les deux conventions de Baltimore. Ces choix ont été au moins inattendus. Le général Cass, chez les démocrates, semblait devoir l’emporter. M. Douglas était un candidat connu et aimé par tout son parti. De guerre lasse et après quarante scrutins, un candidat dont le nom n’avait pas été mis en avant jusqu’alors, M. Franklin Pierce, a été élu. Ce choix, tout singulier qu’il paraisse, est cependant heureux et ne manque pas d’habileté. M. Pierce, connu pour avoir fait la campagne du Mexique avec le général Taylor, porte lui-même le titre de général, qui commence à plaire aux Américains beaucoup plus qu’il ne conviendrait peut-être dans un état républicain. En second lieu, M. Pierce est favorable au compromis, et c’est là probablement ce qui décidera la balance en faveur du président démocratique. Le choix des whigs n’a pas été aussi heureux. M. Fillmore s’est vu écarté après cinquante-trois tours de scrutin, et le nom du général Scott est sorti de l’urne. Faut-il attribuer ce résultat à l’entêtement des amis de M. Webster, qui ont refusé jusqu’à la fin de reporter leurs voix sur M. Fillmore? Cette tactique aura été fatale au parti whig, car il est désirable pour la prospérité et la concorde de l’Union que le général Scott, candidat dont les opinions sur le compromis sont très douteuses, ne sorte pas de l’urne électorale.


CH. DE MAZADE.


RECHERCHES SUR LES ETOFFES DE SOIE, D’OR ET D’ARGENT PENDANT LE