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qui est l’évidente conséquence des élections dernières, ne se produise que plus d’un mois après la constatation des résultats du mouvement électoral? Comment expliquer que le ministère ait choisi le moment où le roi était hors de la Belgique, et où il devait en résulter une crise plus prolongée? Nous en étions là de nos recherches, quand on a annoncé que le cabinet de Bruxelles venait de transmettre aux plénipotentiaires belges à Paris l’ordre de suspendre les négociations engagées au sujet de la convention commerciale qui expire le 10 août, et de demander au gouvernement français une prorogation de l’ancien traité. Au fond, là est sans doute la véritable explication de tout. Le cabinet belge est aussi embarrassé pour se refuser à accéder au nouveau traité que pour le signer. Il s’est évanoui un moment, à la veille de l’époque décisive, pour avoir l’occasion de se donner du temps. Nous ne voyons pas quel intérêt aurait le gouvernement français à trop se prêter à cette petite diplomatie. Si nous en croyons quelques données sûres en effet, le cabinet belge, sauf en ce qui concerne MM. Frère-Orban et Tesch, n’est point aussi mort qu’il le paraît, ou du moins il n’aurait pas l’intention de mourir. M. Rogier se trouve trop bien au pouvoir pour le quitter si aisément. Il accepterait même des accommodemens et se résignerait, assure-t-on, au ministère des travaux publics, faute du ministère de l’intérieur qu’il occupe en ce moment. Le ministre des affaires étrangères, M. d’Hoffschmidt, serait nommé au gouvernement de la province de Namur, laissé vacant à son intention depuis un an. Le ministre des travaux publics passerait à la justice. Tout se bornerait ainsi à l’échange de quelques portefeuilles et à l’accession de trois nouveaux ministres. On prononce même certains noms : celui de M. le comte Lehon pour les affaires étrangères et celui de M. Henri de Brouckère pour l’intérieur. Ce ne sont là, au reste, que des bruits et des conjectures en l’absence du souverain de la Belgique. Le roi Léopold ne revient que demain de Wiesbaden. Tout sera donc bientôt décidé. Le roi tiendra-t-il pour sérieuse la démission de tous ses ministres et l’acceptera-t-il comme telle? N’acceptera-t-il au contraire que les démissions qui sont réellement sincères en chargeant M. Rogier de recomposer le cabinet? Là est la question. Il est fort à craindre que la combinaison qui maintiendrait M. Rogier au pouvoir ne réussît à mécontenter tout le monde, — les catholiques, ce qui est tout simple, et presque autant les libéraux, dont M. Rogier ne semble pas avoir conservé la faveur. Ce serait une crise ajournée, mais non finie. Au milieu de tout cela, on a parlé un moment de la nomination de M. Frère-Orban comme ministre plénipotentiaire près les cours d’Italie. On n’oublie qu’une chose, c’est que l’une de ces cours est la cour de Rome, qui se résignerait difficilement sans doute à accepter comme envoyé diplomatique le plus ardent adversaire du parti catholique belge.

Le gouvernement constitutionnel aurait-il aussi sa crise en Angleterre? Les électeurs renvoient à Londres, à peu d’exceptions près, le même parlement, le même nombre de whigs, de radicaux, de peelites, et laissent le ministère en minorité avec la plus grande indifférence du monde. Jamais cabinet anglais n’a été soutenu avec moins de chaleur et plus d’embarras par ses partisans, jamais cabinet n’a été attaqué par ses adversaires avec plus de froideur et moins de passion. Il y a peu d’exemples dans l’histoire parlementaire de la Grande-Bretagne d’élections aussi calmes et même d’une telle tiédeur, politique. Le fait est que ces élections ne sont pas une lutte, c’est un