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l’avait brouillée avec son royal amant et fait exiler de la cour. La reine Anne l’avait aimée presque autant que le roi, et, aussitôt qu’elle avait été libre et maîtresse d’elle-même, elle lui avait écrit de sa main : « Venez, ma chère amie, je meurs d’impatience de vous embrasser. » Mlle d’Hautefort était accourue; mais, quand elle avait voulu parler de Mazarin comme autrefois de Richelieu, elle avait trouvé une audience moins favorable, et, n’ayant pas su s’accommoder à la situation nouvelle, ses tendresses impérieuses avaient bientôt fatigué. Mme de Chevreuse était loin de valoir Mlle d’Hautefort. Elle avait eu sa beauté, mais non pas ses vertus, et son esprit était surtout un esprit d’intrigue. Marie de Rohan Montbazon, fille du duc de Montbazon, d’un premier lit, d’abord mariée au connétable de Luynes, veuve de très bonne heure, était entrée dans la maison de Lorraine en épousant le duc de Chevreuse. Victime de sa fidélité à la reine, bannie par Richelieu, elle avait long-temps erré en Europe, et elle rapportait en France les prétentions d’une émigrée. Tout entière à la galanterie, dévouée à l’amant du jour, elle remua ciel et terre pour renverser Mazarin et mettre à sa place Châteauneuf, ancien garde des sceaux, qui passait dans le parti pour un homme d’une capacité supérieure et en état d’être premier ministre. Elle exigeait aussi une grande situation pour La Rochefoucauld, qui lui avait été plus ou moins tendrement attaché, et qui en était encore à cette sentimentalité romanesque, à la façon du duc de Guise, dont le fond est presque toujours une vanité effrénée, honteuse d’elle-même, et dont le dernier mot devait être ici, au bout des intrigues de la Fronde, le livre des Maximes.

Mazarin se défendait, comme nous l’avons dit, en s’insinuant peu à peu dans le cœur de la reine, et, aux attaques des maisons de Vendôme et de Lorraine, il opposait le poids des anciens partisans de Richelieu, nombreux encore et accrédités, surtout la maison de Condé, avec ses alliances et ses amitiés, les Montmorency, les Longueville, les Brézé, les Ventadour, les Châtillon. C’en était fait de Mazarin dans ces commencemens difficiles, si le prince de Condé n’était pas demeuré inébranlablement attaché à l’autorité royale. Il soutint l’incertain duc d’Orléans, qui, après avoir mis la main dans plus d’une intrigue contre Richelieu et s’être sauvé lui-même en livrant ses amis, était tenté de reprendre ses allures équivoques. M. le Prince était trop politique pour ne pas comprendre qu’il lui valait bien mieux être le puissant protecteur que l’adversaire inégal de la royauté; qu’en ce cas il fallait la défendre avec énergie, et que son rang l’élèverait toujours bien au-dessus d’un ministre, quand ce ministre n’était pas Richelieu; et si personne alors ne contestait la capacité de Mazarin, personne aussi ne soupçonnait toute sa portée. Chef du conseil et gouverneur de Paris, M. le Prince s’appliqua, de concert avec Monsieur, lieutenant général du