Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/378

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

attentive. Le juger diaprés ces œuvres, ce serait se montrer sévère jusqu’à la cruauté. Je ne parle pas de plusieurs statues insignifiantes exécutées pour l’église de Saint-Roch et qui ne soutiendraient pas l’analyse. Je ne veux discuter que deux ouvrages qui ont été soumis au jugement du public assez récemment, le Mariage de la Vierge et le Christ sur les genoux de Marie. Le Mariage de la Vierge, qui se voit aujourd’hui à la Madeleine, n’a été pour l’auteur qu’une pure espièglerie. Si l’expression paraît sévère, je prie les hommes compétens de comparer l’œuvre de Pradier au prix donné par l’état. Le Mariage de la Vierge, tel que l’a conçu Pradier, est une composition parfaitement insignifiante. Avec la meilleure volonté du monde, il est impossible d’y découvrir la trace 4’une pensée. Il est évident que pour l’auteur le groupe de Marie, de Joseph et du grand-prêtre était une question de draperie. Du moment que le nu n’était pas permis, le sujet prenait un rang secondaire, et, dans la manière dont il a traité le Mariage de la Vierge, Pradier n’a que trop prouvé sa conviction. Cependant l’état fournissait le marbre et donnait quarante mille francs pour l’exécution du modèle. C’était certes un prix très convenable. Eh bien! Pradier, considérant le Mariage de la Vierge comme un sujet indigne de son talent, l’a modelé en quelques semaines et n’a produit qu’une œuvre nulle. L’amitié la plus complaisante ne pourrait signaler dans ce groupe un morceau qui se puisse comparer aux œuvres païennes de l’auteur. Marie, Joseph et le grand-prêtre sont parfaitement vulgaires. Il serait impossible de deviner chez Marie l’exaltation mystique, chez Joseph l’aveugle soumission, chez le grand-prêtre l’accomplissement d’un devoir mystérieux prescrit par les prophètes. C’est une réunion de trois figures dont la forme est à peine indiquée. Pradier n’a pas compris que le Mariage de la Vierge offrait au statuaire comme au peintre le sujet d’une composition émouvante. Il n’a tenu aucun compte de l’admirable tableau placé dans la galerie Brera et s’est débarrassé à la hâte de cette besogne, dont il ne devinait pas l’importance. Quant au Christ adulte sur les genoux de la Vierge, il avait à soutenir une comparaison plus redoutable encore. Michel-Ange a traité ce thème difficile, et son œuvre se voit aujourd’hui dans la première chapelle à droite, en entrant dans la basilique de Saint-Pierre. Le groupe de Pradier laisse le spectateur parfaitement indifférent. Le corps du Christ ne porte pas les traces de la souffrance; quant à la Vierge, il serait difficile de découvrir sur son visage les signes d’un profond attendrissement, d’une compassion douloureuse pour son fils crucifié. C’est un sujet manqué. Les détails où l’habileté se révèle n’ont pas assez d’importance pour dissimuler la réalité de l’échec.

J’arrive à la sculpture monumentale, où Pradier s’est essayé plus d’une fois. Les Renommées placées sur les deux impostes du grand arc de l’Étoile ne manquent certainement pas d’élégance, et cependant