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Barbares pour vous punir ; c’est elle qui leur a donné le courage et la force, et à vous la lâcheté et l’impuissance. Il lui plaît de s’entourer de mystère et d’ombre ; mais je la découvre et la salue dans la nuit qui l’enveloppe, ainsi que le pilote découvre et salue à l’horizon ces feux sauveurs qui ne s’allument que dans les ténèbres.

Comme Salvien achevait de proclamer cette grande idée de la Providence, qu’il devait célébrer si éloquemment dans ses écrits, et tandis qu’on l’entraînait vers la porte secrète du sanctuaire, les Francs inondaient l’église, vers laquelle leur cupidité, distraite d’abord par de nombreux objets, s’était enfin dirigée. À leur tête bondissait un jeune Barbare à l’œil candide et farouche, aux longs cheveux blonds et flottans jusqu’à la ceinture. Gundiok était le chef d’une bande de Francs qui habitait une partie reculée de la forêt Hercynienne, et qui s’était trouvée moins que les tribus plus avancées en contact avec les Romains. Gundiok était le Barbare pur, sans aucune atteinte de la civilisation, c’est-à-dire quelque chose qui tenait à la fois de l’homme et de la bête sauvage. Arrivé au milieu de l’église, il se trouva face à face avec Maxime. Celui-ci, debout au milieu des chrétiens agenouillés, les bras étendus sur leur tête pour les bénir et les protéger, regardait le jeune chef avec une sécurité intrépide et une compassion presque affectueuse. Cette expression du noble visage de l’évêque étonna Gundiok ; il s’arrêta un moment comme pour tâcher de comprendre ; mais cette impression fut rapide et fugitive, et ne fit que traverser l’âme du Barbare. Sa férocité naturelle reprit bien vite le dessus, et, poussant un rire sauvage, il leva sa framée sur l’évêque. À ce signal, le massacre commença. Quand Maxime vit que les chrétiens qui l’entouraient étaient livrés à une mort inévitable, il se pencha sur eux, et, serrant avec force tous ceux qu’il put attirer sur son cœur, le digne pasteur mourut avec joie en les embrassant.

Quand Priscilla avait vu le fer se lever sur Maxime, elle s’était élancée vers lui ; blessée mortellement, elle vint tomber à ses pieds, tandis qu’il respirait encore ; Maxime, soulevant une main mutilée, lui montra le ciel et expira. Alors Priscilla se glissa timidement à ses côtés ; elle osa placer sa tête sur la poitrine de son époux, et mourut en bénissant Dieu, qui le lui avait enlevé dans la vie pour le lui rendre dans la mort et dans l’éternité.

Après avoir pillé l’église de Trêves, les Francs de Gundiok, conduits par l’odieux Bléda, se dirigèrent vers la demeure des Secundinus. Tout y était dans le plus grand désordre : les esclaves francs étaient allés rejoindre leurs frères ; le reste avait fui, car les Barbares prenaient les esclaves comme les autres portions du mobilier domestique. Pourquoi Macer aurait-il cherché à fuir ? Il ne pouvait emporter avec lui ses grandes propriétés territoriales, l’importance qu’elles lui donnaient, les chances qu’elles ouvraient à son ambition pour son fils.