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de Chimène, mais pourtant les femmes d’esprit se connaissent en naturel, et ce n’est pas toujours se tromper sur quelqu’un que de l’aimer.

Les Anglais ne terminent pas une biographie sans parler de testament. Les lois et les mœurs du pays donnent pour eux un assez grand intérêt aux actes de dernière volonté. Les biens de famille de Walpole passèrent au fils de sa sœur, à lord Cholmondeley, dont le représentant actuel est encore, à l’heure qu’il est, propriétaire du domaine de Houghton. Strawberry-Hill fut légué à mistress Damer, et a passé, par substitution, je crois, aux héritiers de lady Waldegrave. Mais Walpole a laissé d’autres biens ; ce sont ses écrits. De ceux-là aussi, il a disposé par testament, et, grâce au ciel, cette partie d’héritage a été la mieux conservée. Long-temps avant sa mort, il avait projeté et commencé une édition de ses œuvres. Ne l’ayant pu continuer, il en commit le principal soin à M. Robert Berry, le père de ses jeunes amies, qui furent aussi ses légataires. L’aînée était éminemment propre à seconder et plus tard à remplacer son père dans le travail d’éditeur ; elle a publié pour son compte un Tableau comparatif des mœurs de la société en France et en Angleterre et quelques écrits moins considérables qui n’ont pas été moins remarqués. Les papiers de lord Orford ne pouvaient être mieux placés qu’en ses mains. Dès l’année 1798, il parut une édition en cinq volumes in-4o ; elle contient tous les ouvrages littéraires, petits ou grands, et quelques lettres choisies : le temps seul pouvait permettre la publication du reste. En 1810, miss Berry donna à la France et à l’Angleterre les lettres de Mme Du Deffand. Cette édition, plus complète qu’aucune de celles de Paris, car la censure française a prescrit d’inexplicables suppressions, laisse désirer les réponses de Walpole qu’on prétend perdues ou détruites, ce dont je m’obstine à douter. Depuis lors, des éditeurs habiles ont imprimé les lettres anglaises, dont les recueils partiels ont été réunis dans une collection générale en 1840. Dans le sixième et dernier volume, miss Berry a inséré, avec les lettres adressées à elle et à sa sœur, une préface vivement écrite, où elle défend son vieil ami contre les rigueurs de M. Macaulay ; mais cette collection générale est devenue incomplète, par la publication postérieure de la dernière série des lettres à sir Horace Mann, de celles à W. Mason, de celles à la comtesse d’Ossory. Il n’est guère probable qu’il reste encore beaucoup à publier, et le moment serait venu de refaire un recueil définitif qui, à son tour, mériterait d’être traduit.

Quant aux mémoires, ils se divisent en trois séries. La dernière écrite, publiée avec les lettres et qui contient les récits de plus vieille date, se compose des amusans souvenirs recueillis, en 1788, pour les deux miss Berry sous le titre de Réminiscences. C’est un tableau anecdotique de la cour de George Ieret même de celle de George II au commencement de son règne. L’esprit et le naturel recommandent ces récits, dont