Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/202

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

croire que non, car, une fois en possession de cet arrangement et à l’abri de nos réclamations effectives loin de notre frontière, les libraires Cans et Meline n’ont pas tardé à violer toutes les clauses essentielles de la transaction (eux-mêmes ont pris soin d’en administrer les preuves dans un factum qu’on ne descend pas à discuter); puis, quand on les a rappelés à l’exécution scrupuleuse des conventions en invoquant le tribunal arbitral prévu par un des articles, ils ont dénié le tribunal arbitral qu’ils avaient eux-mêmes institué, et ont définitivement déchiré leur contrat.

De là un procès qu’ils ont perdu sur tous les points au tribunal de commerce de Paris le 26 mai 1851. Ces messieurs, qui avaient d’abord récusé toute justice en déchirant de leur autorité privée un contrat sérieux (c’est un député belge, un législateur qui donne cette preuve de son respect à la loi !), ont déféré ce jugement à la cour d’appel de Paris. Factum imprimé, lettres privées de tierces personnes livrées à la publicité (avec ou sans autorisation, nous ne savons), tout a été mis en œuvre; mais tout est venu échouer à la cour d’appel devant la parole austère et éloquente de M. Paillet, devant cette belle plaidoirie qui n’a rien laissé debout des argumentations de nos adversaires. L’arrêt ne s’est pas fait attendre, et, par l’organe de l’éminent jurisconsulte qui la préside, la première chambre de la cour d’appel a fait bonne justice des singulières prétentions qu’elle avait pu lire dans le factum du législateur belge. Le 22 juin 1852, les deux contrefacteurs ont donc été condamnés de nouveau à cesser leur contrefaçon de la Revue, à payer tous les dépens, ainsi que des dommages-intérêts par état. Nous allons voir maintenant quel cas feront de cet arrêt le député belge Cans et son honorable associé. Nous verrons si, après avoir provoqué la décision de la cour d’appel, ils accepteront sa justice et exécuteront son arrêt.

Quoi qu’il en soit, cet exposé rapide de nos efforts et de nos concessions pour éteindre la contrefaçon belge en ce qui nous touche vaut peut-être la peine d’être mis sous les yeux des négociateurs envoyés à Paris pour y conclure un traité international destiné à faire disparaître du sol de la Belgique une industrie qui est en contradiction flagrante avec la vieille probité belge, et qui a été et peut être encore la source de plus d’une difficulté sérieuse pour le cabinet de Bruxelles.


V. DE MARS.


RECUEIL DES MONUMENS INEDITS DE L’HISTOIRE DU TIERS-ETAT, par M. Augustin Thierry[1]. — « Il n’y a plus de tiers-état en France; le nom et la chose ont disparu dans le renouvellement social de 1789; mais ce troisième des anciens ordres de la nation, le dernier en date et le moindre en puissance, a joué un rôle dont la grandeur, long-temps cachée aux regards les plus pénétrans, apparaît pleinement aujourd’hui. Son histoire., qui désormais peut et doit être faite, n’est autre que l’histoire même du développement et des progrès de notre société civile depuis le chaos de mœurs, de lois et de conditions qui suivit la chute de l’empire romain jusqu’au régime d’ordre, d’unité et de liberté de nos jours. » On ne saurait mieux exprimer que par ces paroles de l’illustre éditeur l’esprit et la valeur historique de la collection publiée par ses soins. Si la formation de l’unité nationale est le fait dominant de notre histoire, si le tiers-état a été le noyau de cette unité, l’histoire du tiers est la

  1. Première série : Chartes, coutumes, actes municipaux, etc. — Région du nord.