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que Rameau a mis en musique en 1748, et dont Rousseau a fait une scène bien connue, vient de subir une nouvelle transformation et de passer à l’état d’opéra-comique en deux actes. Tel est le sort des plus belles choses de ce monde! Le poème de MM. Jules Barbier et Michel Carré pourrait être plus intéressant, mais il y a dans la musique de M. Victor Massé des choses gracieuses et un parfum de poésie qui en a fait le succès. L’ouverture, trop longue et un peu décousue, renferme un joli motif, un andantino que le jeune maestro a utilisé dans le courant de son agréable partition. Deux chœurs, un trio qui renferme quelques détails ingénieux, tels sont les principaux morceaux qu’on remarque au premier acte. Au second acte, on peut signaler le petit air de la paresse que chante l’esclave Ganymède, un duo charmant entre ce même Ganymède et la belle Galatée, et puis les couplets si heureusement interprétés par Mme Ugalde, qui a donné au rôle de Galatée un air narquois et mutin qui est à la poésie antique ce que les jolies statues au nez retroussé de Coustou qui ornent le jardin des Tuileries sont à la Vénus de Médicis et à la Diane chasseresse. Mme Ugalde, qui est une femme d’esprit, se sera dit sans doute : « Le public qui m’applaudit au théâtre où je règne et gouverne n’est pas un public d’érudits qui se plaisent à feuilleter les poètes grecs. Si je donnais à Galatée un air par trop solennel, il n’y comprendrait rien, et j’y perdrais ma peine. » Aussi l’aimable cantatrice a-t-elle tourné la difficulté, et elle boit le vin de Chypre avec la désinvolture d’une franche Parisienne qui sable du vin de Champagne mousseux en riant aux éclats. Mme Ugalde, aidée de M. Sainte-Foy, qui est certainement l’un des comédiens les plus intelligens de Paris, a fait le succès de la jolie partition de M. Victor Massé, dont le talent s’épure et commence à s’épanouir.

On a repris à l’Opéra-Comique les Voitures versées de Boïeldieu, où M. Bussine chante avec succès le rôle qui a été créé il y a trente ans par Martin. Il dit avec assez de bonheur le bel air de baryton ;

Apollon toujours préside
Au choix de mes voyageurs,


ainsi que le charmant nocturne : Au clair de la lune, où brillent également le talent et la bravoure de Mlle Miolan. L’Irato de Méhul a été repris aussi avec succès, ce qui semble contrarier beaucoup les compositeurs à la mode. Le public, qui fort heureusement n’est d’aucune école et d’aucune coterie, prend son bien partout où il le trouve, et ce n’est pas sa faute si les opéras d’aujourd’hui sont moins amusans que ceux que l’on composait au commencement du siècle.


P. SCUDO.


LA CONTREFAÇON BELGE DEVANT LA COUR D’APPEL DE PARIS.

Au moment où les agens accrédités du gouvernement belge suivent à Paris les négociations qui ont pour but de renouveler le traité commercial de 1846 entre la France et la Belgique, et de supprimer enfin l’industrie de la contrefaçon littéraire, si souvent condamnée en Belgique même, où elle est surtout exercée par des étrangers, il n’est peut-être pas inutile de dire un mot des tentatives faites, en dehors de l’action diplomatique, pour abolir cette guerre de course à l’esprit des gens.

Depuis vingt ans, l’imprimerie et la librairie françaises, accusées de mettre