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campagne, car le maréchal n’avait pu réunir qu’à grand’peine, et en les prenant dans tous les corps, les douze cents hommes de la colonne. Deux cents zouaves, cinq cents chasseurs d’Orléans, du 5e bataillon, qui, sous les ordres du commandant Soumain, gardaient leurs traditions de dévouement et de courage, trois cent cinquante hommes du 64e de ligne, trente sapeurs du génie, cinquante hommes du 6e léger, une demi-section d’artillerie de montagnes, un peloton de chasseurs à cheval d’Afrique, enfin les trente cavaliers arabes du capitaine Lapasset, remplaçant au bureau arabe le lieutenant Béatrix, tué si malheureusement le mois d’avril précédent, c’étaient là toutes les forces qui composaient la colonne chargée de dompter l’insurrection du Dahra.

La chasse commença aussitôt, et la tribu kabyle des Beni-Hidja, dont le chef, Mohamed-ben-Hini, coquin vénéré, leur soufflait son fanatisme et son courage, fut châtiée des premières. Le 17 décembre, la colonne gravissait les pentes du col de Sidi-Bousi. Son arrivée mettait en émoi ces populations sauvages; il semblait voir une fourmilière qu’un voyageur eût remuée du bout de son bâton. Le long des hauteurs de droite, les Kabyles couraient, glapissant, criant, hurlant; bientôt les coups de fusil se font entendre, le bruit du tambourin les enivre; aussitôt trois compagnies d’infanterie, 64e de ligne, zouaves et chasseurs d’Orléans, sous le commandement du capitaine Esmieu, de ce dernier corps, sont lancées au pas de charge. C’est à qui se distinguera. La tunique noire des chasseurs d’Orléans, la capote grise de la ligne, le turban vert des zouaves, remplacent dans ce steeple-chase les casaques aux nuances diverses des jokeys. Le coup de feu et la baïonnette fraient un passage; chacun cherche à se devancer, s’appuyant sur son camarade. Comme toujours, plus d’une aventure signala ces rencontres. — Deux zouaves tournent un buisson, un d’entre eux reparaît à quelques pas de là, immobile, l’œil au guet, faisant le coup de feu. Un sergent accourt pour les dégager, les croyant blessés. Il n’en était rien. Un des zouaves avait rencontré dans le fourré une jeune personne kabyle fort jolie, et lui faisait la cour avec de douces paroles au milieu des balles, pendant que le camarade veillait et protégeait ces nouveaux amours. A trois heures, les hauteurs étaient dégagées, et une demi-heure après nos troupes s’établissaient dans les vallons du versant opposé, entre les sources de l’Oued-bou-Cheral et de l’Oued-bou-Rhaseur. Durant la nuit, les Kabyles tentèrent encore l’attaque, mais sans succès; nos grand’gardes les tinrent en respect.

Passer la nuit en grand’garde n’éveille dans la pensée de ceux qui n’ont point fait la guerre, et surtout la guerre de partisans, que l’idée d’un certain nombre d’hommes dormant à deux ou trois cents pas en avant d’une troupe, pendant que l’un d’entre eux se promène de long