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M. H. Reber, donc nous avons eu occasion de parler dans cette Revue, est un musicien de mérite, beaucoup moins connu du public que des artistes et des amateurs de goût. Né à Mulhouse en 1807, il est venu à Paris il a cela vingt-cinq ans, et a fait ses études musicales sous la direction de Reicha et de ses répétiteur. Jehnsperger et Seuriot. M. Reber, qui tient à l’Allemagne par les traditions de sa jeunesse et par la consanguinité de race, s’est d’abord essayé dans la musique instrumentale il a composé des sonates, des trios, des quatuors et des symphonies qui sont incontestablement les meilleures productions qui ait été publiées en France dans ce genre difficile qu’ont illustré les Hayn, les Mozart, les Beethoven et les Mendelssohn, M. Reber a composé aussi de charmantes mélodies qui ont été beaucoup chantées dans les salons, sans que jamais aucune ait pu franchir le cercle de cette publicité restreinte. Ces mélodies simples, d’un accent naïf qui se rapproche beaucoup de la vieille romance française, donnent la mesure de son goût réservé et de son accent de poète élégiaque. Poussé, excité par des amis dévoués bien plus que par sa propre ambition, M. Reber se décida enfin à aborder le théâtre, qui est en France la seule carrière où les compositeurs puissent acquérir de la fortune et de la célébrité. Après avoir écrit la musique d’un acte de ballet qui fut remarqué des artistes, M. Reber fit représenter à l’Opéra-Comique, la Nuit de Noël, ouvrage en trois actes dont le succès d’estime ne put franchir la rampe, comme on dit vulgairement, malgré deux ou trois morceaux distingués qui sont restés dans la mémoire des amateurs. La révolution de février ayant éclaté peu de temps après la première représentation de la Nuit de Noël, cet opéra, où Mlle Darcier était charmante, disparut brusquement du répertoire, et n’a pas été repris depuis lors. Nous oserions presque affirmer que la Nuit de Noël n’aurait pas un meilleur sort aujourd’hui que dans l’origine. M. Reber, sans se décourager d’un évènement qui, après tout, avait élargi le cercle de sa renommée, se remit à la musique instrumentale ; il composa une nouvelle symphonie et quelques morceaux d’ensemble qui ont été exécutés par la société de Sainte-Cécile. Tels sont les antécédens de M. Reber avant l’opéra du Père Gaillard, dont il nous reste à juger la musique.

L’ouverture, sans avoir rien de bien remarquable, est un morceau de symphonie finement traité. Après un andante un peu court, rempli par un solo de clarinette, viennent deux thèmes d’un mouvement rapide qui sont rattachés l’un à l’autre par des modulations élégantes et naturelles, et qui forment un ensemble plein de goût. Au début du premier acte, la scène est occupée par Jacques, garçon de cabaret, qui chante en bouchant des bouteilles, par Marotte, la fille du père Gaillard, et par le jeune Gervais, qui tient un luth à la main, sur lequel il compose de très agréables chansons, car il est musicien et prend des leçons d’un organiste auquel il prétend succéder. Chacun de ces trois personnages chante tour à tour un fragment de mélodie approprié à son caractère tous ces fragmens sont ensuite réunis ensemble d’une main délicate, et constituent un trio qui est un petit chef-d’œuvre. — Le solo que chante Gervais est surtout remarquable, et rappelle l’accent d’une mélodie de Schubert. Ce trio, qu’on dirait écrit par Monsigny ou par Philidor, mais avec un coloris plus moderne, nous paraît supérieur à celui qui vient après, et qui chantent le père Gaillard avec sa femme et sa fille. Ce dernier morceau,