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continue de s’absorber dans les travaux matériels : chaque jour voit se produire quelque concession nouvelle de chemins de fer, et le gouvernement s’occupe en même temps d’une question grave, qui n’est autre que la suppression de la régie des tabacs et des sels. Dans le royaume voisin, c’est différent ; le Portugal, lui aussi, a à se débattre dans une de ces situations fausses que créent les révolutions. Le maréchal Saldanha, on le sait, est arrivé l’an dernier au pouvoir par une insurrection militaire principalement dirigée contre le comte de Thomar, — et où il s’est aidé du concours du parti exalté, des septembristes. Le difficile pour lui maintenant est de se défaire des septembristes, et de chercher dans le parti conservateur une force qui ne tourne pas au profit du comte de Thomar. Le vieux maréchal est là, occupé à résoudre des problèmes d’équilibre qui nous semblent au-dessus de ses habitudes et de ses facultés constitutionnelles. De là une série de mouvemens contradictoires ; de là aussi la crise ministérielle qui vient d’avoir lieu à Lisbonne, et qui a évincé du cabinet portugais l’élément libéral, représenté par le ministre des affaires étrangères, M. Almeida-Garrett, et le ministre de la justice, M. Seabra. Cette cause nous semble beaucoup plus vraie que l’histoire d’un traité secret avec la France. Dès-lors un rapprochement devenait donc possible avec le parti conservateur, et ce rapprochement était d’autant plus nécessaire avant le renouvellement des cortès récemment dissoutes. Des négociations paraissent avoir été suivies ; elles n’ont point eu de résultat, puisque le comte de Thomar vient de publier une sorte de manifeste où il engane ses partisans à s’abstenir dans le mouvement électoral qui devra avoir lieu prochainement. Que fera Saldanha ? Sur quelle force peut-il compter, n’ayant plus l’appui des septembristes, qui le déclarent traître, lui et ses collègues, et n’ayant pas celui du parti conservateur, dont le comte de Thomar est l’organe ? Il fera sans doute comme il a fait jusqu’ici : il gouvernera en se souciant peu des chambres, autorisant par décrets la perception de l’impôt, faisant de sa propre autorité ce qu’il appelle des choses utiles, et amenant probablement aussi le Portugal au bord d’une révolution nouvelle. Au milieu de ces crises confuses, ce qu’il y a de plus significatif, c’est l’apparition de l’escadre anglaise dans les eaux du Tage. L’Angleterre ne perd point de vue le Portugal, et au moment voulu sa flotte apparaît pour attendre les événemens et les faire tourner à son profit.

La grande préoccupation de l’Allemagne est toujours la question du Zollverein. Il est d’usage au-delà du Rhin de raisonner beaucoup avant de rien résoudre. Les affaires ne seraient point tenues pour bien faites, si l’on n’avait employé, à les élaborer, toutes les ressources de la dialectique. Il y a eu le 7 de ce mois juste une année que la Prusse a conclu avec le Hanovre la convention qui a déterminé la crise présente. Plusieurs congrès ont débattu, à Vienne, à Darimstadt, à Berlin, la question de savoir si l’ancienne union douanière serait modifiée d’après les vues de la Prusse ou d’après celles de l’Autriche. Le débat cependant n’est point encore épuisé ; c’est à peine si l’on peut dire qu’il ait fait quelques pas. Tous les raffinemens de la logique ont été, disons-nous, employés tour à tour par les deux intérêts qui sont aux prises. Ainsi, dès l’origine, la Prusse déclare qu’elle vise à se rapprocher le plus possible du but des divers états allemands, c’est-à-dire d’une union douanière de tous les pays