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Châh-Namèh-Toullah, se trouve une prédiction annonçant la venue et la durée du règne de huit rois de Perse : Mohammed-Châh était le huitième. Il prétendait que jusqu’à lui le fait avait justifié la prédiction, et il comptait les jours et les heures. Or l’astrologue auteur du Châh-Namèh-Toullah avait fixé à onze les années que ce prince devait passer sur le trône ; Mohammed faisait tous ses efforts pour mettre l’astrologue en défaut. Des nécromanciens, il en appelait à Dieu et au prophète ; il prodiguait l’or aux mollahs et aux derviches pour qu’ils fissent des prières et invoquassent tous les imâms, afin de prolonger son existence, ce qui ne l’a pas empêché de mourir jeune, la prophétie s’étant accomplie pour ainsi dire à jour fixe.

Quoique Mohammed-Châh n’eût pas rencontré d’obstacles sérieux à son événement au trône, la rébellion d’un membre de sa famille pouvait justifier quelque crainte de sa part. Il y trouva un prétexte pour ne pas laisser la plupart de ses oncles ou cousins dans les positions que leur avait faites son prédécesseur, de qui ils tenaient les gouvernemens de toutes les provinces ou villes principales du royaume. Les postes dans lesquels le nouveau chah avait trouvé ces châhzâdèhs les rendaient trop dangereux pour son repos et celui du pays. Ayant une grande influence, due à leur autorité ou à leurs richesses, il était à craindre qu’ils n’en abusassent pour aliéner les populations et les détourner de leurs devoirs envers le souverain légitime. Rendu soupçonneux et défiant par la révolte du prince Zelly-Sultân, Mohammed-Châh résolut de priver de leurs forces les compétiteurs qui pourraient surgir, en dépossédant tous les membres de sa famille qui se trouvaient à la tête de gouvernemens importuns. C’était un moyen de se faire des partisans en investissant de ces mêmes gouvernemens les khâns à la fidélité desquels il croyait pouvoir se fier. Cette politique était à la vérité, peu faite pour rattacher à Mohammed-Châh les princes du même sang que lui, et qui se croyaient aussi des droits au trône ; mais la prudence la commandait, surtout dans un pays où la raison du plus fort a toujours été considérée comme la meilleure. Elle eut naturellement pour résultat d’appauvrir et de laisser dépérir dans l’oisiveté des princes nombreux, qui, bien que vivant misérablement, n’en devinrent pas moins pour, l’état et le roi lui-même une lourde charge. Pauvres, sans plus de consistance politique que d’argent, ils durent vivre des aumônes que leur faisaient le souverain et quelquefois même les grands.

Des révolutions presque incessantes aboutissant, sous les derniers princes Kadjars, à une sorte de dangereux engourdissement, voilà donc, en quelques mots, toute l’histoire de la Perse depuis les premières années du XVIIIe siècle jusqu’à nos jours. Le règne de Mohammed-Châh et celui du souverain actuel de l’Irân témoignent cependant