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il obéissait autrefois, en est à chercher sa voie ; C’est dans la vie commerciale et industrielle qu’il lui serait peut-être donné de se retremper, si une main habile savait le ramener sur ce terrain trop négligé. L’abattement où nous voyons aujourd’hui les Persans a moins ses causes dans un vice du caractère national que dans un concours de tristes circonstances, dans une suite de révolutions et de luttes intestines, dont les conséquences déplorables se perpétuent encore sous nos yeux. L’histoire des troubles incessans qui depuis plus d’un siècle ont agité la Perse, opposée aux qualités du caractère national tel qu’il se montre dans la vie privée, opposée aussi aux ressources précieuses du territoire de l’Iran, telle est la meilleure réponse qu’on puisse faire à ceux qui doutent de la vitalité persistante et du réveil possible de la nation persane ; c’est l’intérêt de ce contraste, de cette démonstration, si l’on veut, qui nous ramène encore vers la Perse ; dont les récits précédens retraçaient surtout la physionomie extérieure[1], et dont il y aurait maintenant à interroger l’histoire contemporaine en même temps que la vie intime.


I. – LES SUCCESSEURS DES SOPHIS.

La dynastie des Sophis avait donné à la Perse trois siècles de gloire et de prospérité, quand, au commencement du XVIIIe siècle, l’invasion des Afghans la chassa, du trône qu’occupait alors un des plus indignes descendans du vaillant cheik d’Ardebil[2]. Ce prince, faible et timide, oubliant qu’il comptait parmi ses ancêtres le héros qui avait chassé les Tartares de la Perse, ne sut pas défendre sa couronne contre une poignée d’Afghans, et, tremblant devant le cimeterre de Mahmoud, chef de ces bandes indisciplinées, il alla lui-même déposer la tourah (aigrette, royale) aux pieds de son audacieux vainqueur.

Ainsi s’établit pour quelques années, en Perse la domination des Afghans, inaugurée par Mahmoud. Ce chef barbare s’assit, au milieu d’une population terrifiée, sur le trône d’Abbas-le-Grand. Tout faisaiti prévoir cependant la chute des souverains afghans. Entre ces grossiers conquérans et la nation persane, la religion ouvrait un abîme que rien ne pouvait combler. Les Afghans étaient sunnites, et les passions religieuses devaient tôt ou tard s’unir contre eux aux haines nationales. Le successeur de Mahmoud avait laissé survivre un prince de la famille des Sophis. Les mécontens se groupèrent autour de lui, et l’héritier des Sophis fut, sous le nom de Châh-Thamas, reconnu roi

  1. Voyez ces récits dans les livraisons du 15 mai, 15 septembre et 15 novembre 1851.
  2. Seffi-ed-Din, fondateur de la secte des chiites et aïeul du premier prince Sophi Ismaël. Le cheik d’Ardebil fut l’instigateur passionné de la révolte qui amena la chute de la dynastie tartare et l’avènement des Sophis.