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se sont également formées des sociétés de bienfaisance qui ont pour but de porter des secours à domicile, de soulager les malades, d’élever les orphelins, de mettre en apprentissage les jeunes gens des deux sexes, et même de marier les jeunes filles pauvres qui se recommandent par leur bonne conduite.

Dans la seule ville de Paris, dont la population israélite est de 8 à 10,000 ames sont réunis : 1° un Comité consistorial de bienfaisance, qui comprend dans ses attributions tous les genres d’aumônes et de secours aux malheureux ; 2° une Société des dames de Paris, qui, sous la présidence de Mme de Rothschild, a pour objet la mise en apprentissage et la dotation des jeunes filles ; 3° une Société des jeunes gens de Paris pour la mise en apprentissage des jeunes gens sortant de l’école ; 4° environ 20 sociétés particulières de bienfaisance et de secours mutuels qui sous diverses dénominations bibliques fournissent à leurs malades le médecin, les médicamens, les gardes-malades et 2 francs par jour ; 5° un hôpital israélite, récemment fondé par M. de Rothschild dans la rue Picpus, et pouvant recevoir 50 malades et 50 vieillards ; 6° une fondation, pour habiller les enfans pauvres des écoles ; 7° une autre fondation pour payer le loyer des ouvriers pauvres. Metz possède aussi un hôpital israélite qui peut recevoir 25 malades.

On compte 120 écoles communales israélites et un certain nombre d’asiles pour l’enfance, une école libre d’études théologique qui porte le nom de Société des Talmudistes et a pour président le grand rabbin du consistoire central, et dans les principales villes, comme Paris, Metz ; Strasbourg, des pensionnats libres de jeunes filles et de jeunes garçons.

Tous ces établissemens se sont fondés et la population israélite française a vu s’accroître sa prospérité et son bien-être sous l’influence de la législation dont nous allons retracer l’histoire et exposer les bases.

Ce ne fut qu’après de longues hésitations que l’assemblée constituante se résolut à reconnaître aux Juifs le titre et les droits de citoyens français ; contre eux s’élevaient des préventions en quelque sorte nationales, l’animosité des classes populaires, dévorées par l’usure, la haine qu’entretenaient en Alsace des poursuites dirigées pour 15 millions de créances, quintuplées par des exactions[1]. Aussi,

  1. Nous rappelons ces exactions, trop communes parmi les Juifs, sans entendre, en aucune façon les attribuer à leur religion. On peut en accuser à plus juste titre un ordre politique dans lequel les Juifs étaient privés du droit de posséder la terre et exclus de toute profession industrielle et commerciale. Les contributions arbitraires, parfois les rapines auxquelles ils étaient assujettis, les obligeaient en outre à se créer des ressources qu’ils ne pouvaient trouver que dans l’usure. Dans les pays où les Juifs ont échappé à ces exclusions et à ces violences, ils n’ont encouru aucun des reproches qui ont flétri ceux que les lois plaçaient en dehors du droit commun. On peut citer pour exemple les Karais, secte juive qui occupe quelques provinces de l’empire ottoman, de la Russie et de l’Autriche. Population essentiellement agricole et admise au droit de propriété, ils jouissent d’une grande considération, et leur parole obtient la même créance que celle des quakers. En France, depuis que les lois ont affranchi les Israélites, et surtout depuis 1830, où ils ont été tout-à-fait assimile aux autres citoyens, on les a vus diriger leurs efforts et leur intelligence vers les professions libérales, les arts, les sciences et les fonctions publiques.