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les quais de Pontrieux, où les marées des syzygies portent près de 4 mètres d’eau. Ce petit port est le débouché principal de l’arrondissement de Guingamp, et les trois quarts du tonnage de la rivière, dont la totalité excède rarement 25,000 tonneaux, lui reviennent ; l’île Bréhat en fournit, de son côté, environ 5,000. Le sel est le principal objet d’importation ; le commerce d’exportation est exclusivement alimenté par la culture locale, et, quoique très susceptible d’être amélioré, l’état hydrographique du chenal suffit à peu près au mouvement actuel.

Vauban a étudié sous un autre point de vue l’atterrage du Trieux. Les avantages militaires d’une position qui, du saillant le plus septentrional de la côte de Bretagne, appuie le port de Brest, couvre les entrées de Morlaix, de Saint-Malo, et menace les îles anglaises de la Manche, ne pouvaient pas lui échapper. Il la visita en 1664, et il paraît qu’il eut un moment l’idée d’y placer l’établissement, qu’il conseilla plus tard de former à Cherbourg. L’entrée du Trieux, encadrée entre des roches granitiques, ne se modifie pas, comme les atterrages ouverts dans des terrains d’alluvion, sous l’action du temps et de la mer ; elle est exactement, aujourd’hui ce qu’elle était au XVIIe siècle. Le chenal qui sépare l’île Bréhat du Sillon de Talber, et se dirige du nord-est vers l’embouchure du Trieux, est praticable ; aux plus grands vaisseaux : le fond en est rocheux, et les courans y sont très violens ; mais on peut mouiller dans la rade adjacente de Pomelin et dans l’intérieur de la rivière, jusqu’à la hauteur de Lézardrieux, quatre vaisseaux, cinq frégates, et un nombre considérable de corvettes, de bricks et de bâtimens de flottille : la station est incommode faute de largeur, et la manœuvre y est pénible ; mais la sûreté en est parfaite, et la rareté des abris le long d’une côte aussi exposée aux entreprises de l’ennemi ne permettait pas plus sous Louis XIV qu’aujourd’hui de dédaigner un refuge si facile, à rendre, inexpugnable. En attendant mieux, Vauban fortifia l’île Verte, dont le canon commande la passe, et fit construire sur une roche isolée au bord du chenal, et sur les hauteurs de Crec’h-ar-Maout, la pyramide de la Croix et la tour de Bodic, qui, visibles de très loin, tracent aux navires la route du mouillage. Il n’en fût certainement pas resté là, si l’entrée de la rivière avait été aussi accessible par la passe de l’est que par celle du nord. Le bras de mer appelé le Ferlas, qui court au sud de l’île Bréhat et joint le chenal de Pontrieux, a 5 kilomètres de longueur et présente à basse mer une surface de 500 hectares : il est abrité par des terres élevées, l’entrée forme une petite rade dont l’accès est facile et la tenue excellente ; mais, au-delà du débouché du Kerpont, des roches sous-marines interdisent le passage aux grands bâtimens. L’enlèvement de ces roches réunirait les deux mouillages en un seul, en doublerait l’étendue, et donnerait à