Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/1034

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme on le sait, n’ont pas voulu donner leurs voix au général Scott, suspect de free soilisme, et ils ont porté M. Daniel Webster. Il est impossible de prévoir jusqu’où ira ce nouveau mouvement en faveur du ministre des affaires étrangères, car il n’est encore qu’à sa naissance. Une autre fraction du parti whig, les free soilers, se sont réunis en convention à Pittsburgh et ont rejeté la candidature du général Scott, pour désigner M. Hale, sénateur du New-Hampshire, comme président, et M. Julien de I’Indiana comme vice-président. Cette résolution est assez singulière, le général Scott étant précisément accusé de free soilisme par les whigs du sud et ayant été appuyé à New-York par la fraction du parti whig qui suit la bannière de M. Seward, l’ardent abolitioniste, l’ami et le soutien de M. Hale toutes les fois qu’il s’agit de faire au sénat quelque motion légalement inconstitutionnelle. Le trouble est au camp des abolitionistes comme au camp des whigs modérés ; voilà très probablement ce que signifie cette candidature inattendue, qui ne peut s’expliquer que par des menées secrètes, très difficiles à saisir et à expliquer, et sur lesquelles se taisent les organes de la presse américaine.

Tandis que l’Union américaine a ses incidens, ses intérêts, ses complications propres, le reste du Nouveau-Monde a aussi ses révolutions et ses problèmes. Au nord comme au sud de l’Amérique, les questions sont souvent des mêmes ; ce sont des sociétés à créer ou à transformer, des continens à explorer, des territoires vierges à livrer à l’activité humaine. Au fond de toutes les crises politiques, c’est là toujours ce qui se retrouve d’un bout de l’Amérique espagnole à l’autre, de l’empire mexicain au Rio de la Plata. Il s’agit de savoir si des états deux fois plus grands que la France, comme la République Argentine, parviendront à s’organiser, si des races dévorées d’anarchie et d’impuissance, comme au Mexique, seront dépossédées par les sauvages ou par les Américains du Nord. C’est là ce qui donne une physionomie à part et souvent saisissante au monde hispano-américain. Quel tableau plus effrayant, par exemple, que celui du Mexique ! C’est le spectacle d’un pays en dissolution. Dans son plus récent message, lors de la clôture de la dernière session législative, le président, le général Arista, avouait qu’il ne savait pas comment la république mexicaine avait vécu depuis un an. Un journal comparait cette séance à un office des morts plutôt qu’à l’acte régulier d’un peuple organisé, tant la tristesse et l’impuissance éclataient partout. Cela s’explique : d’une part, à l’intérieur, les Indiens, par leurs insurrections permanentes, soit dans le Yucatan, soit dans îles états du nord, ébranlent chaque jour le Mexique ; ils dévastent les villages, menacent les villes elles-mêmes et traînent des populations captives dans le désert. D’un autre côté, les États-Unis pressent et enveloppent de plus en plus cette malheureuse république. Dans deux circonstances, depuis un an, les relations officielles des deux pays ont pris un caractère des plus critiques : une fois, lors de l’insurrection du guérillero Carvajal, dont nous avons parlé il y a quelque temps ; l’autre fois, au sujet de cette question de l’isthme de Tehuantepec, qui est bien loin d’être résolue encore.

Personne n’ignore l’importance, au point de vue du commerce du monde, d’une voie de communication entre l’Océan Pacifique et l’Océan Atlantique, par l’isthme de Tehuantepec. Il y a dix ans déjà, le gouvernement mexicain