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et intellectuel, quel est le sens et la portée des nouveaux arrangemens avec la Belgique, lesquels n’auront d’ailleurs force de loi qu’après la ratification des chambres de Bruxelles ? Le principe de la propriété littéraire est aujourd’hui garanti chez nos voisins ; c’est là la grande satisfaction donnée à la France. En échange, nos droits de douane sont singulièrement réduits sur les livres édités en Belgique : ils descendent de 160 fr. et 107 fr. par 100 kil., selon l’espèce, à 20 fr. ; le papier blanc, au lieu de payer 160 fr., entrera moyennant 25 fr. Ce dégrèvement des tarifs français s’étend à un assez grand nombre d’autres produits belges, aux gravures et lithographies, à la musique gravée, aux caractères d’imprimerie. Ces stipulations ne concernent encore que les objets artistiques et littéraires ; d’autres abaissent également les droits sur le houblon, sur les cotonnettes, sur le bétail du Luxembourg. Ne prenons que ce qui touche à la propriété littéraire. Voilà donc la suppression de la contrefaçon, qu’on poursuivait depuis si long-temps, maintenant accomplie ! Pour peu qu’on rapproche ce fait de la réduction de nos tarifs sur les livres fabriqués en Belgique, il en résulte pour la librairie française, une situation qui exige de sa part une intelligence particulière de ses intérêts et de nouveaux efforts. Il est évident que, faute de ces efforts, dans les conditions de bon marché où se trouve la Belgique, celle-ci regagnera licitement, en imprimant et en éditant nos livres, une partie de ce qu’elle abandonne, et elle obtiendra ces avantages au détriment de notre industrie. L’industrie belge est active et entreprenante ; elle risque beaucoup, plus même qu’elle ne peut très souvent ; elle a des marchés tout créés par la contrefaçon ; elle se transformera sous l’empire de la loi nouvelle, et continuera, si on n’y prend garde, à fournir ces marchés. C’est une concurrence qui s’ouvre dans les conditions de toutes les concurrences. Comment la librairie française peut-elle lutter avantageusement, si ce n’est en produisant mieux, comme elle le fait, et en même temps en abaissant ses prix, sauf à regagner par le chiffre de ses tirages ce qu’elle peut perdre par ses réductions de prix ? Tout cela est possible pour notre librairie en redoublant d’activité, en propageant ses publications, en multipliant ses relations au dehors, en créant au loin les centres de dépôt qui lui manquent. Il n’y a que ce moyen pour elle, de trouver un élément de succès dans la récente convention belge. Quoi qu’il en soit, ces conditions meilleures qui lui sont faites sont elles-mêmes une épreuve pour la librairie française, — et ce que nous disons pour la France, nous pourrions le dire, à un autre point de vue, pour la Belgique. Quel est en effet l’avantage sérieux, élevé, fort au-dessus des industries frauduleuses, qui peut se trouver, pour nos voisins, dans le traité qui vient d’être signé ? C’est que leur pays soit purgé de cette lèpre des contrefaçons françaises, et que la place reste libre à la production nationale, aux écrivains belges. Les pétitions nombreuses adressées, en 1849 à la chambre des représentons de Bruxelles pour demander la suppression de la contrefaçon, se fondaient justement sur ce qu’elle était le principal obstacle au développement d’une littérature belge quelconque, d’un mouvement intellectuel national. Or il est clair que la littérature nationale n’aura pas gagné beaucoup chez nos voisins, si l’industrie belge continue sous une autre forme et dans d’autres conditions, à vivre de la fabrication de livres français. S’il y a donc, un principe