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sont une explicite adhésion au gouvernement ; un grand nombre sont pour l’empire. Si on examinait les plus ardens et les plus caractéristiques de ces vœux, peut-être trouverait-on que quelques-unes des villes d’où ils émanent sont celles qui ont le plus marqué jusqu’ici par leur effervescence révolutionnaire. À ces premières manifestations ont dû succéder déjà les véritables travaux des conseils dans l’ordre administratif et local. Les changemens qui ont eu lieu dans notre organisation ont déplacé l’initiative, l’autorité politique ; ils ne diminuent point l’importance de ces assemblées où les localités trouvent une représentation particulière et distincte ; ils l’accroissent plutôt au contraire. Quand la vie politique s’est égarée comme elle l’a fait parmi nous, et qu’elle a subi les désastres dont nous avons été les témoins, le meilleur moyen pour la faire renaître et la recomposer lentement, c’est l’application aux affaires, aux questions positives qui s’agitent, à tout ce qui constitue l’existence du pays dans ce qu’elle a de plus réel et de plus pratique. Il y a pour chacun une sorte d’éducation nouvelle à se faire. Or, quel est le théâtre le plus naturel de ce travail obscur, mais efficace, si ce n’est les assemblées locales où, faute de la politique, se retrouve, tout ce qui contribue au développement des diverses branches de la prospérité publique ? Il y a là quelque chose qui se rapproche plus spécialement du conseil de famille. C’est le département délibérant sur lui-même et sur ses intérêts, discutant et réglant ses ressources, manifestant ses besoins. Si ce n’est point toute la vie politique, on ne saurait méconnaître la grande, et utile place des conseils-généraux, surtout aujourd’hui. C’est par eux, à coup sûr, que le gouvernement peut être le mieux éclairé sur bien des points qui touchent au bien-être du pays. Souvent ils sont de naturels intermédiaires entre le pouvoir et les populations, et ne sont-ils pas aussi appelés à être les coopérateurs de ce rétablissement de l’ordre moral, de cette œuvre de conciliation dont une note officielle parlait, il y a pou de jours, justement à leur sujet ?

Aussi bien ce mot de conciliation est toujours le premier qui soit prononcé après les grandes crises ; mais quel est le sens de cette parole ? Là est la difficulté, d’autant plus que ces questions de conciliation se résolvent souvent par des questions de personnes. Chacun y attache une signification différente, et de là il naît parfois des incidens qui éclairent singulièrement une situation. On en a pu voir un exemple récent, non ici même, mais dans une de nos colonies. Le gouvernement avait nommé membre de la cour d’appel de la Guadeloupe M. Charles Dain, qui a figuré en soldat obscur dans les rangs de la montagne. M. Dain, qui a été le représentant de la Guadeloupe en 1848, n’y a point laissé, à ce qu’il semble, une réputation très d’accord avec ses fonctions nouvelles. Son arrivée a été le signal d’une émotion singulière dans la population. Les principaux conseils municipaux ont déposé leurs pouvoirs ; le conseil privé s’est retiré. Le corps des avocats et des avoués a pris la résolution de ne point plaider devant le nouveau magistrat, et a refusé d’assister à son installation. Le gouverneur de la colonie s’est vu forcé de réprimer quelques manifestations extérieures. L’agitation, sans dépasser une certaine limite, semblait loin de se calmer. Tout cela, on le voit, constitue une situation délicate de nature à faire réfléchir M. Dain sur les inconvéniens d’un passé d’agitateur, quand on a une vocation si prononcée pour la magistrature. Nous ne saurions dire ce