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et de partager les nombreuses privations du chercheur d’or. Les médecins seuls d’entre ces émigrans pouvaient continuer sous le ciel du Nouveau-Monde l’exercice de leur profession. La visite d’un docteur était taxée, à l’origine, à 16 piastres, c’est-à-dire un peu plus de 80 fr. Les hommes habitués aux travaux des champs, — tels que les cultivateurs et les terrassiers qui, comme le marin et le soldat, sont aguerris contre l’intempérie des saisons et peu façonnés à l’existence des grandes villes, — n’entraient que pour une très faible proportion dans le premier groupe de l’émigration française.

Un voyage en Californie, en doublant le cap Horn, est toujours un rude commencement d’épreuve pour ces futurs chercheurs d’or ; mais, Dieu aidant, le voyageur arrive en général sans accident fâcheux au terme de son pèlerinage, et je puis même dire qu’ayant assisté, à San-Francisco, à l’arrivage de tous les navires français pendant près d’une année, je n’ai jamais entendu parler d’un seul cas de décès par suite de maladie contractée à bord de nos navires de commerce ou de l’état. Cependant il s’agit ici d’un transport de plus de trois mille personnes et d’une traversée dont la durée a été le plus ordinairement de cent cinquante à cent soixante jours. Je n’en dirai pas autant des steamers américains qui font le service entre Panama et San-Francisco et vice versa. La mortalité a souvent atteint sur ces steamers des proportions effrayantes dans le parcours d’une distance qui ne demande que dix-huit à vingt jours au plus.

Quoi qu’il en soit, nous supposons l’émigrant français se dirigeant en Californie par le cap Horn. Depuis son départ du Havre, il a pu voir la terre à Rio-Janeiro, ou plus probablement à Valparaiso. Après avoir doublé le cap Horn, il arrive enfin à San-Francisco. Déjà dans la rade le découragement s’est emparé de lui ; il a reçu du pilote ou du consignataire du navire des renseignemens qui l’alarment. Les placers où gît le précieux métal, lui est-il dit, sont à une certaine distance de San-Francisco, le travail y est pénible, sinon impossible, pour l’homme qui n’a pas encore manié la pelle et la pioche, et il ne rémunère pas toujours les efforts les plus persévérans. Pour l’émigrant dénué de moyens pécuniaires, il y a certes, dans ce qu’il a entendu, matière à de bien tristes réflexions. L’impression qu’il éprouve en apercevant la ville de San-Francisco et ses environs n’est point de nature à le rassurer. Jamais, à proximité d’un pays aussi bien partagé que l’est l’intérieur de la Californie, ne s’est trouvé un territoire aussi abandonné par la nature, d’un aspect plus désolé et d’un climat plus incommode pendant la majeure partie de l’année. La résolution prise en France de travailler aux placers est ainsi souvent abandonnée avant même qu’on ait fait la moindre tentative pour la réaliser. Quand l’émigrant toutefois est doué d’assez de persévérance pour donner suite à sa première