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dans ses admirations. L’Idolo cinese, opéra bouffe en deux actes, fut l’ouvrage qui valut à Paisiello une victoire éclatante et qui plaça son nom parmi les grands compositeurs dont s’honorait l’Italie. Après dix années de succès obtenus dans les principales villes de la péninsule, Paisiello fut appelé par l’impératrice Catherine à la cour de Russie, où il se rendit en 1776. Dans le nombre considérable d’œuvres de toute nature que Paisiello a composées à Saint-Pétersbourg, on doit remarquer la Serva padrona, opéra bouffe en un acte, qui lui fut expressément commandé par l’impératrice Catherine sur ce sujet, déjà traité par Pergolese en 1731, et puis il Barbiere di Siviglia, que le chef-d’œuvre de Rossini n’a pas fait oublier. En traversant l’Allemagne pour retourner en Italie, Paisiello s’arrêta à Vienne au commencement de l’année 1784, où il écrivit l’opéra de il Re Teodoro, sur un libretto de l’abbé Casti, ouvrage charmant, où se trouve un septuor devenu célèbre dans toute l’Europe.

Les treize années qui s’écoulent entre 1786 et 1798 forment la période la plus heureuse et la plus féconde de la vie de Paisiello. Fixé à Naples par les faveurs de la cour, il y composa une suite d’ouvrages délicieux, où il a versé tout l’arome de son doux et mélodieux génie. Parmi ces ouvrages, il faut citer la Molinara, l’Olimpiade, où se trouve l’admirable duo Ne’ giorni tuoi felici, qui a été écrit pour la Morichelli, et enfin la Nina, chef-d’œuvre qui suffirait pour immortaliser le nom de Paisiello. La révolution française, en bouleversant l’Italie et surtout le royaume de Naples, vint aussi troubler la paisible existence de Paisiello. Pendant la courte durée de la république parthénopéenne, Paisiello parut en avoir épousé les principes, ce qui lui valut la disgrace de la cour à la sanglante réaction de 1799, où Cimarosa faillit également succomber. Dépouillé de toutes ses places et privé de ses pensions, Paisiello vécut dans l’abandon jusqu’au jour où le premier consul Bonaparte, qui avait une grande admiration pour l’auteur de la Nina, le fit demander au roi de Naples Ferdinand IV, pour venir organiser la musique de sa chapelle.

C’est dans le mois de septembre 1802 que Paisiello arriva à Paris, où la bienveillance dont l’honorait le premier consul souleva contre lui la jalousie des compositeurs français. C’est tout à la fois pour combattre cette faveur et pour venger l’honneur des grands artistes français dont on méconnaissait le mérite que Méhul a composé l’opéra de l’Irato, où il avait voulu jeter le ridicule sur la musique italienne en prouvant combien il était facile d’imiter les formes élégantes qu’on trouve en si grand nombre dans les chefs-d’œuvre des Piccinni, des Guglielmi et des Cimarosa. De tous les compositeurs français qui vivaient à cette époque, Méhul était assurément le dernier qui pût se flatter de réussir dans une pareille tentative. Quoi qu’il en soit de la plaisanterie de