Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 14.djvu/984

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

révolution que pour rencontrer devant soi les suspicions des monarchies, tel était, aux yeux de quiconque savait prévoir, l’avenir de toute royauté fondée sur la répudiation du principe héréditaire. Si, après l’événement consommé, l’habileté d’un prince a pu conjurer en partie les périls d’un tel avenir, ses éminentes qualités personnelles ne furent qu’un accident heureux, imprévu, comme le fait de son acceptation même, et nul n’est admis à en couvrir sa responsabilité devant l’histoire. C’est d’ailleurs en présence du résultat final de cette épreuve, résultat que n’ont pu détourner ni la sagesse ni la fortune, qu’on est contraint d’en apprécier la portée véritable. En face de l’abîme ouvert en 1848, quel fondateur de la monarchie de 1830 hésiterait à reconnaître que jamais tentative n’a plus directement compromis les idées, les intérêts et les personnes qu’elle était appelée ou à consacrer ou à servir ?

Une révolution non moins périlleuse pour ses auteurs que pour ses victimes, et à laquelle concoururent tous ceux qui voulaient l’empêcher, tel est donc le dernier mot de cette histoire de la restauration dont je viens de rappeler les phases principales. Cette conclusion humiliante et désastreuse obsède l’esprit comme une inéluctable nécessité lorsqu’on médite sur ces quinze années si troublées, et pourtant si pleines, qui donnèrent à la France sinon le goût, du moins les illusions et l’orgueil de la liberté. Il semble que chacun travaille à l’envi à pousser au précipice cette race malheureuse prédestinée à l’exil comme la famille de Laïus au crime. La royauté n’a pas moins à se défendre de ses amis éprouvés que de ses adversaires implacables, et lorsque, par une haute inspiration, elle tente une fois de se placer entre les uns et les autres, elle ne rencontre autour d’elle qu’ingratitude, hésitation et exigences.

Au spectacle de tant d’écueils, de tant de talent et de tant de droiture vainement dépensés pour les éviter, l’esprit demeure saisi d’une sérieuse tristesse, et telle est l’impression que devra réfléchir toute histoire de cette époque qui ne sera ni une apologie ni un pamphlet. Ce n’est pas des hommes engagés dans la lutte parlementaire ou dans la polémique de ces temps-là qu’on en peut attendre l’appréciation complète et véridique. Chaque parti a ses historiens dont l’office est de s’inspirer des passions qu’ils fomentent. L’extrême droite, par exemple, a une manière à elle d’écrire les annales de la restauration et de s’innocenter de tous ses vieux péchés envers la charte. D’après les publicistes de cette école, si la restauration est tombée, c’est qu’en 1814 elle a été mal faite. Le premier soin de la légitimité devait être de s’entourer des royalistes, quoique pour le moment il fût assez difficile d’en rencontrer, et son premier devoir était de consulter la nation pour délibérer avec ses délégués sur les réformes à opérer dans les antiques institutions de la monarchie. La charte fut donc une œuvre d’usurpation