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c’était préparer sans péril à l’opinion publique une satisfaction de fait et prolonger entre la souveraineté royale et la souveraineté parlementaire la transaction qui était à elle seule le gouvernement de la restauration tout entier. Suivre la seconde, c’était poursuivre la conquête d’un principe avec la chance, pour ne pas dire avec la certitude d’une révolution ; établir par une déclaration éclatante que la couronne ne saurait appeler dans ses conseils que les hommes agréés par la majorité et que la direction définitive du pouvoir appartenait au parlement, c’était, en effet, faire passer la France du régime de la charte octroyée à celui du bill des droits, en proclamant contre un autre Jacques II la doctrine politique d’un autre 1688. Il suffisait d’avoir observé, même superficiellement, le caractère de Charles X, pour pressentir les périls que soulèverait une controverse officielle sur le pouvoir constituant entre les chambres et le trône. Ce prince était aussi immobile dans ses croyances monarchiques que M. de Lafayette dans ses croyances révolutionnaires, et, si jamais l’on intéressait ses devoirs dans ses préjugés, on pouvait tenir pour certain qu’il ne reculerait pas même devant l’abîme. Or n’était-ce pas mettre sa conscience du parti de ses passions que de dénier à la royauté d’une manière absolue le droit de choisir ses ministres, lorsque ce droit paraissait consacré par le texte d’une constitution dont l’esprit lui échappait ? Mettre le roi dans le cas de se montrer téméraire, c’était se montrer soi-même imprudent. Tendre tous les ressorts dans une situation si délicate, c’était assumer la responsabilité de la révolution qui allait la dénouer. Qu’un petit nombre de républicains, qu’un nombre plus considérable d’ennemis de la dynastie régnante s’étudiassent à rendre les difficultés inextricables, afin de précipiter une catastrophe, ils étaient dans leur rôle, et cette attitude ne pouvait étonner personne ; mais les principaux inspirateurs de l’adresse des 221 aspiraient moins à vaincre la monarchie par des barricades qu’à la servir dans ses conseils. Presque tous auraient protesté contre le résultat logique de leur conduite. Le souvenir de l’adresse de la session de 1821, qui pesait sur la conscience de la plupart d’entre eux, ne les arrêta pas en avril 1830. Une première fois, par une manœuvre déloyale, ils avaient, en renversant le ministère Richelieu, ouvert à leurs ennemis l’accès des affaires ; cette fois, par une manœuvre moins déshonnête, mais assurément plus dangereuse, car on heurtait chez un vieillard l’obstination de la conscience et presque les susceptibilités de l’honneur, on plaçait la royauté entre une abdication humiliante et une résistance désespérée. Il n’est pas de réputation de penseur qui tienne contre de telles déceptions et de pareils entraînemens. Les brochures enflammées de M. de Chateaubriand, les harangues artistement tissues de M. Royer-Collard, aboutissaient aux journées de juillet aussi certainement que les discours de Vergniaud au 10 août ; mais du moins les girondins, tout pauvres esprits politiques