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— Mais, diront certains officiers, pourquoi ne passe borner à la guerre de course à l’aide de frégates et de vapeurs seulement ? A cela, nous répondrons que l’expérience des guerres passées a prouvé que la guerre de course, pour être destructive, avait besoin d’être secondée par une guerre d’escadres et de divisions de vaisseaux. Ceux-ci contraignant l’ennemi à réunir ses forces navales, il en résulte que les frégates et corsaires peuvent alors opérer des tentatives heureuses contre son commerce ; mais, sans cette diversion indispensable, la guerre de course n’aboutit qu’à faire prendre les croiseurs. Rappelons-nous en effet ce qui eut lieu dans les dernières guerres de l’empire. Une soixantaine de frégates françaises, hollandaises et espagnoles parvinrent à tromper la vigilance des croisières anglaises et à battre la mer, en y détruisant une grande partie du commerce par la prise des navires marchands de l’ennemi ; mais les deux tiers de ces frégates devinrent la proie de divisions anglaises. La division du commodore Pellew en prit à elle seule 25 ! et cela grace à la facilité qu’eut alors la marine anglaise de multiplier ses divisions de vaisseaux sur toutes les mers à la poursuite de nos frégates-corsaires. Reconnaissons donc que le système exclusif d’une guerre de course, n’ayant pas pour point d’appui la guerre d’escadre, est contraire à la raison comme à l’histoire. En vain dira-t-on que des escadres entraînent des dépenses considérables pour une grande nation qui met au premier rang sa dignité, son honneur et son influence, il y a des dépenses forcées, et la marine est une de celles-là.

Quant à la guerre de descentes opérées à l’aide de vapeurs sur le littoral de l’Angleterre, elle préoccupe beaucoup nos voisins depuis quelques années. L’Angleterre a multiplié ses forts et créé des ports dits de refuge sur presque tous les points accessibles des côtes de la Manche ; elle y tient toujours prête, au milieu de la paix la plus profonde, une escadre dite escadre avancée et composée de plusieurs vaisseaux de ligne fortement armés et à moteur auxiliaire, plus 20 à 25 frégates ou corvettes à vapeur toujours en mesure de prendre la mer.