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des colères habilement attisées par l’esprit de faction. La presse, impuissante, quoi qu’on en puisse penser, pour créer des griefs imaginaires, mais formidable pour grossir démesurément ceux dont le germe existe, passait tour à tour de l’hypocrisie à la violence, selon la mesure de liberté que lui laissait l’établissement ou la suspension de la censure. Partout se révélaient les symptômes les moins équivoques du désordre des intelligences et de la dangereuse tendance des esprits. Au sein même de la majorité royaliste, une ardente opposition s’était élevée pour attaquer le pouvoir, parfois au nom des principes monarchiques auxquels on l’accusait de ne donner que de tardives et incomplètes satisfactions, parfois en s’appuyant sur des griefs populaires et en dépassant les ennemis de la dynastie par l’audace de ses paroles et de ses votes. Contre-révolutionnaire par son symbole, révolutionnaire par son attitude, cette coterie, que l’ambition préparait à l’apostasie, arrachait au parti royaliste le principal élément de sa force : l’unité des doctrines et la dignité de la conduite. Au sein du parlement, toutes les situations étaient faussées : la chambre des pairs repoussait les projets de lois aristocratiques, et la chambre élective imposait au ministère des mesures désavouées par le pays, et qui compromettaient de plus en plus le renouvellement de son mandat. Les élections partielles donnaient à cet égard les plus solennels avertissemens, et peut-être auraient- elles pu sauver la royauté en l’éclairant en temps utile sur l’état véritable de l’opinion, si la septennalité ne l’avait condamnée d’avance à ne profiter du bénéfice de l’expérience que lorsqu’il serait perdu pour elle. Atteinte par l’émotion universelle, la justice elle-même avait cessé d’être impassible : en descendant dans ses rangs, l’opposition avait puisé une nouvelle force morale, et les lois répressives que la magistrature avait mission d’appliquer devenaient des armes formidables dans ses mains : les délits politiques enlevés à l’appréciation du jury trouvaient en effet dans les magistrats des juges qui ne pouvaient les absoudre, sans aller par leurs arrêts frapper au cœur le pouvoir lui-même. Sous l’empire des émotions universelles, l’Académie se transformait en assemblée délibérante, et la dissolution de la garde nationale de Paris venait consommer le divorce de la royauté avec ces classes commerçantes qui avaient chaleureusement acclamé les deux restaurations. Les régions de la conscience n’étaient pas moins troublées. Agité par de vagues tendances vers un état nouveau, le clergé tentait en vain de secouer le poids mortel d’impopularité qu’on avait amassé sur sa tête en rivant l’autel au trône. S’il réclamait le droit commun, on lui en déniait le bénéfice, et l’on établissait, non sans motifs spécieux, que le concours de l’état pour protéger la religion entraînait pour celle-ci la nécessité de subir ses exigences. Si, en matière dogmatique et pénale, on attribuait aux