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où il est vulnérable, et de se retirer devant des forces supérieures, comme l’Angleterre a pu le faire dans la guerre de la Péninsule.

Que la guerre éclate avec la Russie, et, à l’aide de notre flotte, nous pouvons ruiner son commerce dans la Mer-Noire, y dévaster ses côtes, et, par la Baltique et la Néva, pénétrer même jusqu’à Saint-Pétersbourg. Si c’est à l’Autriche que nous avons affaire, nous pouvons conquérir l’Italie sans avoir besoin de franchir les Alpes, débarquer une armée à Trieste et marcher sur Vienne. Si c’est la Prusse qui est notre ennemie, notre marine peut menacer Dantzick ; si c’est la Hollande, elle peut menacer Amsterdam et enlever dans l’Inde Bornéo et Sumatra. Si c’est l’Angleterre enfin, nous avons établi que, réduits même à nos seules forces navales, nous devions lancer hardiment une flotte de 25 à 30 vaisseaux contre sa propre flotte, ruiner son commerce maritime à l’aide d’une nuée de frégates-corsaires croisant dans les mers lointaines, puis, à l’aide d’une flotte de’100 vapeurs, opérer des descentes sur ses côtes[1].

  1. Quelques chiffres que nous publions ici nous paraissent nécessaires pour bien établir quelle est aujourd’hui notre situation vis-à-vis des marines étrangères.
    ÉTAT DES PRINCIPALES MARINES MILITAIRES EN JANVIER 1852.
    Nations Vaisseaux à fort Vaisseaux en chantier Frégates à flot Frégates en chantier Bâtimens à vapeur
    Angleterre 70 13 63 8 150
    France 25 21 38 18 108
    Russie 43 48 24
    États-Unis 11 15 10
    Suède 10 8 2
    Hollande 7 17 26
    Danemark 7 8
    Espagne 3 6 14
    Sardaigne 1 8 3

    Au 1er janvier 1852, voici quelle était la composition de la flotte armée en France et en Angleterre
    En France, 2 vaisseaux à trois ponts, en Angleterre 7 ; — en France, 4 vaisseaux à deux ponts, en Angleterre 13 ; — en France, 1 vaisseau mixte à deux ponts, en Angleterre 3 : total, 7 vaisseaux français, 23 vaisseaux anglais, c’est-à-dire un nombre plus que triple. Les frégates armées de 50 à 60 canons étaient en France au nombre de 4, en Angleterre de 6. Le chiffre des petites frégates ou corvettes de premier rang armées était de 9 en France, de 11 en Angleterre. Nous avions en outre 1 frégate mixte armée, tandis que l’Angleterre en avait 4. Voilà pour la marine à voiles. Venons maintenant à la marine à vapeur. La France compte 8 frégates à vapeur armées (dont moitié se compose des paquebots dits transatlantiques) ; l’Angleterre en compte 10. — En France, 37 corvettes ou avisos à vapeur ont leur armement complet ; en Angleterre, 47 sont dans les mêmes conditions,,et il faut ajouter que tous ces bâtimens sont admirablement armés aux extrémités, tandis que les nôtres pêchent beaucoup sous ce rapport.
    La situation relative des forces en bâtimens à vapeur armés ou prêts à l’être des deux côtés de la Manche en janvier 1852 est représentée par les chiffres suivans : dans les ports de l’Angleterre se trouvent 13 frégates et corvettes à roues, de 12 à 6 canons et de 300 à 550 chevaux de forcé ; dans les ports de l’Océan ou de la Manche sur les côtes de France, il s’en trouve 8. L’Angleterre a en outre, dans ses ports de la Manche 4 grandes frégates à roues au-dessus de 12 canons, auxquelles la France ne pourrait opposer que 4 paquebots transatlantiques médiocrement armés.
    Enfin, dans les ports anglais se trouvent 4 vaisseaux à hélice en armement ou prêts à armer, 5 frégates à hélice de 30 à 50 canons, plus 6 corvettes à hélice de 8 à 10 canons. En France, nous n’avons que 3 vaisseaux à hélice, lesquels sont dans la Méditerranée, et, dans nos ports de l’Océan, seulement une frégate et 2 corvettes à hélice.
    Il n’a pas été possible de se procurer d’une manière certaine les renseignemens relatifs aux mises en chantier et à la flotte à vapeur de quelques marines étrangères.