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en admettant que les 4 vaisseaux à armer en plus soient de second rang, c’est-à-dire montés par 860 hommes chacun, ce sera 5,586,080 francs qu’ils coûteront annuellement, et en admettant que les cinq frégates à armer en plus soient aussi de deuxième rang, c’est-à-dire montées par 442 hommes chacune, ce sera une dépense nouvelle de 3,717,220 fr. Le total des dépenses nécessaires pour arriver au chiffre de 12 vaisseaux et 12, frégates armés sera de 9,303,300 francs, soit en nombre rond de 9 millions, puisque d’ailleurs, au lieu de 14 vaisseaux et 13 frégates en commission de port qu’admet le budget actuel, nous ne demandons que 12 vaisseaux et 12 frégates dans cette situation d’armement préparatoire.

Ainsi c’est 9 millions seulement qu’il s’agirait de dépenser au plus pour donner à notre flotte normale de paix une assiette autrement sérieuse que celle du budget actuel, c’est-à-dire que le service-marine, qui est de 84 millions, serait porté à 93 millions. En ajoutant à ce chiffre les 18 millions qu’exige le service colonial, et les 4 millions consacrés aux travaux extraordinaires de digues, forts, etc., on arriverait au chiffre total budgétaire de 115 millions, au lieu de 106 qui figurent actuellement au budget de 1852[1]. En vérité, lorsque l’on compare ce faible supplément de dépenses à l’effet utile qu’il produirait au point de vue de notre puissance navale comme de notre politique, on se sent le courage de le réclamer hautement. N’oublions pas d’ailleurs, que ce budget de 115 millions serait encore inférieur de 2 millions à celui de 1849, et de 37 millions à celui de 1848 !

Au point de vue maritime comme au point de vue financier, les reformes que nous proposons ne sauraient donc soulever d’objections sérieuses : il n’est pas moins aisé de les justifier au point de vue politique. La France est assise sur quatre mers : l’Océan, la Manche, la Mer d s. Nord et la mer Méditerranée. Elle présente un développement de quatre cent quatre-vingts lieues de côtes. De toutes les nations continentales, c’est celle qui possède le littoral le plus étendu. Notre marine de guerre protège notre commerce maritime et nos colonies ; à la tête des marines secondaires, elle n’a cessé de défendre depuis des siècles les grands principes de la liberté des mers. Sans notre marine, nous ne ferions pas respecter la France dans les pays que nos armées ne peuvent atteindre. Notre pavillon eût été insulté impunément à Alger, Lisbonne, au Mexique, au Maroc ; sans notre marine enfin, où serait aujourd’hui le chef de la chrétienté ? En cas de guerre, la marine multiplie les armées ; elle les transporte à de grandes distances ; elle les recrute et les approvisionne ; elle permet d’attaquer l’ennemi partout

  1. Ce calcul a été fait avant que l’on eût porté au budget de 1852 les dépenses afférentes au nouvel établissement pénitentiaire de la Guyane.