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est presque toute concentrée dans l’île de Cayenne, laquelle n’est séparée du continent que par de simples cours d’eau et en fait en quelque sorte partie. Quand on songe que cette île n’a guère que douze lieues de pourtour, et que la Guyane française tout entière, grande comme le quart de la France, ne compte pas moins de 16 à 18,000 lieues carrées, on se prend à regretter amèrement qu’une aussi vaste possession tropicale ne soit encore qu’un désert de végétation.

Nos établissemens de l’Océanie ne sont guère, nous l’avons dit, que des points d’étapes maritimes et militaires. Près de Terre-Neuve, nous possédons une petite île dont le sol granitique se refuse à la culture. On n’y trouve qu’un bourg, chef-lieu de l’établissement ; mais dans les anfractuosités de ce rocher se creusent la rade et le barachois ou darse de Saint-Pierre, abri très sûr d’avril en décembre. Conséquemment pendant la saison de la pêche de la morue. On voit assez combien cette petite possession est précieuse pour nos bâtimens en pêche sur les bancs de Terre-Neuve, bancs de deux cents lieues de longueur, où foisonne la morue. Nos bâtimens y vont annuellement au nombre de 330, jaugeant 47,000 tonneaux, montés par 11,500 hommes. Les produits de leur pêche s’élèvent chaque année à 44 millions de kilogrammes de morue, dont 27 millions sont consommés en France, et 17 millions dans nos colonies et hors de nos frontières. C’est une école de matelots bien précieuse que cette pêche de la morue qui prépare à notre armée navale une partie considérable du contingent d’hommes de mer que la France aurait à réunir sous ses drapeaux au premier coup de canon.


IV. – DU SYSTEME COLONIAL ET DE SES RESULTATS.

On voit ce que sont les colonies de la France. À part les établissemens pénitentiaires ou militaires de la Guyane et de l’Océanie, ce sont surtout de précieux débouchés commerciaux, et de grands ateliers d’exploitation agricole. Ici se présente une grave question. Quel système doit suivre la métropole à l’égard de ces possessions lointaines ? Est-ce un régime de protection ou de liberté qui leur convient ? et laquelle des deux politiques favorise le mieux les intérêts de notre marine ? Il nous reste à répondre brièvement sur ces divers points.

Les systèmes colonisateurs peuvent se réduire à trois principaux ceux qui eurent la conquête pour but et pour résultat sans autre mobile que l’esprit de conquête lui-même, c’est-à-dire l’amour de la gloire et l’ambition militaire. Telles furent les colonies fondées par Alexandre-le-Grand, qui, après avoir dompté les nations pour se faire parmi les hommes la renommée d’un demi-dieu, opérait le partage des terres conquises entre les chefs et les soldats de ses légions congédiées ; mais ces partages n’avaient d’autre but que d’assurer au conquérant la possession