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pour mener une vie oisive, ceux enfin qui, dans leur enivrement, n’avaient pas compris, soit ignorance, soit paresse instinctive, que le travail est le premier devoir d’un homme libre.

Pendant la période décennale antérieure à 1848, la moyenne annuelle de la production du sucre à la Réunion avait accusé un chiffre de 25,631,000 kil. : en 1848, cette production tombe à 22,070,590 kil., et même en 1849 à 18,748,971 kilogrammes ; mais là s’arrête la progression décroissante, et, plus abondante que celle des Antilles, la production sucrière accuse à la fin de 1850 un chiffre de 20,893,444 kil. exportés. Quant aux résultats de la campagne de 1851, ils ne sont pas encore complètement parvenus en France, mais tout annonce que la moyenne du temps de l’esclavage sera atteinte, sinon dépassée. Les importations de marchandises opérées dans l’île de la Réunion présentent un mouvement de progrès non moins satisfaisant : ainsi la somme de ces importations, qui atteignait en 1847 15,736,096 francs, tombe en 1848 à 10,479,375 fr., remonte en 1849 à 11,502,746 fr., et en 1850 s’élève à 15,715,084, c’est-à-dire presque au chiffre de 1847.

En présence de ces résultats mis en regard de ceux que nous a offerts l’émancipation anglaise, plus facile à effectuer cependant tant à cause de la sécurité politique dont jouissait l’Angleterre que par suite de l’élévation comparative du chiffre des indemnités qu’elle avait accordées à ses colons, n’est-on pas amené forcément à reconnaître d’abord que la France et ses enfans comprennent mieux leurs possessions lointaines qu’on ne le pense généralement, et qu’ensuite, abstraction faite de toute cause révolutionnaire, l’heure avait sonné en 1848 pour l’abolition de l’esclavage dans ces possessions ?


II. - LE SENEGAL. - LES COMPTOIRES DE L’INDE;

La colonie du Sénégal ne ressemble pas à celles dont nous venons de parler : ce n’est plus la culture qui y domine, c’est la troque ou commerce d’échange. Ce n’est pas aux travaux de la terre que nous y avons dressé la race indigène : nous avons tourné son activité soit vers le trafic, soit vers la navigation des fleuves et de leurs affluens ou marigots, tous autant de chemins qui marchent et permettent à ces courtiers africains, devenus français, de transporter sur leurs nombreuses flottilles les marchandises de nos manufactures dans les escales ou marchés de l’intérieur de l’Afrique. Parmi les produits que les Maures ou les noirs leur livrent en échange se remarquent l’or, les cuirs, la cire, les plumes d’autruche, les arachides et surtout la gomme connue en France sous le nom de gomme arabique, le seul produit colonial pour lequel les Anglais soient nos tributaires. On doit comprendre combien ils nous envient cette possession, dont le produit