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de 30 vaisseaux qu’ont été livrées les batailles les plus mémorables. Les grandes armées combinées de 60 vaisseaux et plus ne donnèrent jamais de résultats. L’amiral Hardy, avec 20 vaisseaux, se maintint devant des armées très nombreuses sans qu’elles parvinssent à le joindre. Les grandes flottes ne purent empêcher Rodney de ravitailler Gibraltar avec 23 vaisseaux. Enfin Nelson a soutenu dans son fameux memorandum, et ne l’a que trop bien prouvé ensuite à Trafalgar, qu’une armée de 40 et quelques vaisseaux de ligne ne présentait pas d’avantages réels contre une armée bien organisée de 25 ou 30 vaisseaux, lesquels pouvaient parvenir à détruire une partie de la première avant que l’autre partie fût venue à son secours. Une flotte de 25 ou 30 vaisseaux est donc la base d’une guerre avec quelque nation que ce soit ; elle a la mer ouverte, et, loin d’éviter l’ennemi, elle doit le chercher, l’attaquer en toutes circonstances. Cependant, pour préparer les élémens d’une armée pareille, il ne convient pas de se borner à voir flotter ces 30 coques de vaisseau au fond de nos ports ; même en temps de paix, de paix complète, absolue. 6 vaisseaux doivent former une division navale ayant Toulon pour pivot de ses opérations ; 6 autres vaisseaux, une seconde division navale armée à Brest et naviguant dans l’Océan. Si à ces 12 vaisseaux on en ajoute 12 autres en commission de port, armés avec soin, on arrivera au minimum de flotte de ligne à voiles que la France doit tenir prêt en temps de paix pour parer à toutes les éventualités. On comprend, en effet, que les 12 vaisseaux de ligne armés et toujours en mesure d’opérer leur jonction auraient, jusqu’à ce qu’ils eussent pu se renforcer successivement des 12 autres vaisseaux complètement organisés, la mer ouverte au début d’une guerre. Ainsi donc, pour pouvoir tenir la mer sans trop de retard, la guerre survenant ; avec une flotte de 24 vaisseaux de ligne, il importe que notre budget de paix présente un effectif de 12 vaisseaux armés et de 12 vaisseaux en commission de port ; ce n’est certes pas demander beaucoup à la France pour soutenir haut et ferme l’honneur de son pavillon sur les mers.

La même ordonnance de novembre 1846 a fixé à 50 frégates, dont 40 à flot et 10 aux 22/24e, le nombre de bâtimens de cette force nécessaires aux exigences de la marine française, la guerre éclatant. Ce nombre est rationnel ; les frégates, en cas de guerre, seraient en effet les navires les plus propres à inquiéter l’ennemi, à entreprendre de lointaines croisières, à exercer, presqu’à coup sûr, des déprédations nombreuses contre le commerce. Pour pareille guerre, il ne faut pas de faibles navires, misérablement armés ; il faut de bonnes frégates, des divisions de frégates même, portant avec elles de longs mois de vivres, d’eau et de rechanges, et capables, si les lieux de ravitaillement manquaient, de s’approvisionner aux dépens de l’ennemi, de nourrir, en un mot, la guerre par la guerre. Or, si l’on veut jeter les yeux