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faire de nouvelles demandes d’ouvriers à la Jamaïque, et l’on renvoya même une partie des nègres qui avaient été admis sur les chantiers.

Ce n’était pas tout que de s’être assuré des bras pour l’exécution des travaux, il fallait aussi se procurer sur l’isthme ou ailleurs des matériaux en quantité suffisante, surtout le bois, dont les chemins de fer font une grande consommation. Dans cette vue, on fit procéder à quelques reconnaissances sur l’isthme ; mais l’absence de routes et l’épaisseur de la végétation rendaient ces explorations fort difficiles. On a cependant reconnu qu’il y avait là un certain nombre d’essences susceptibles d’être employées aux constructions. Plusieurs de ces arbres ont été signalés déjà par M. Garella dans son travail sur l’isthme de Panama ; ce sont : le manglier, dont on trouve plusieurs espèces, et qui donne un bois dur et résistant, mais il est peu abondant dans le pays ; le goyavier, appelé par les Américains guava-tree, qui fournit un bois très dur, propre à la confection des pieux pour pilotis et des traverses de chemins de fer ; l’espèce d’acajou que nous avons signalée déjà sur l’île de Manzanilla, mais qui n’est pas propre aux travaux de charpente ; le néflier, bois très dur ; le cèdre, qui résiste très bien à l’eau ; le quipo, qui jouit de la même propriété et qui atteint des dimensions énormes. On sait que le tronc du quipo est employé à la construction des barques par les gens du pays. On n’a pour cela qu’à le creuser et à lui donner aux deux extrémités la forme convenable. Jusqu’à ces dernières années, on ne voyait pas d’autres embarcations sur le Chagres. À Panama même, il y a des pirogues de 12 mètres de long et de 1 m. 50 c. de large ainsi creusées dans le tronc d’un seul arbre. Ces pirogues, munies de larges voiles, fendent l’eau avec une extrême rapidité.

Cependant les bois qu’on vient d’énumérer ne sont pas très abondans ; il serait difficile de s’en procurer une quantité notable, par suite du défaut de routes et même de sentiers. À la vérité, on trouve dans la province de Carthagène, qui n’est pas très éloignée de l’isthme, beaucoup de bois dont quelques-uns ont été employés avec succès par l’ingénieur en chef du chemin de fer, M. Totten, à l’époque où il faisait exécuter des travaux de canalisation dans cette province. Parmi ces bois, nous citerons seulement le carelo, bois très dur et parfaitement propre aux constructions hydrauliques ; le guayacan ou lignum-vitæ, l’un des bois les plus durs et les plus lourds qu’il y ait au monde, que la compagnie du chemin compte employer à titre d’essai, sous forme de traverses pour la pose de la voie de fer. Le transport de ces bois par mer de Carthagène à la baie de Limon pourrait s’effectuer à peu de frais ; seulement, comme la province de Carthagène est tout aussi dénuée de