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et ce n’est que dans les grandes occasions qu’ils portent des souliers, où ils semblent assez mal à l’aise. En les voyant, on se rappelle les descriptions grotesques de l’armée haïtienne. Quant aux officiers, ils sont presque tous d’origine européenne, et leur tenue est très convenable.

Il s’est élevé à Panama, depuis quelques années, une foule d’établissemens commerciaux et d’hôtels, tenus en général par des étrangers, dont le plus grand nombre sont Américains. La population était, il y a un an, de 6,000 ames environ, dont un quart d’étrangers ; parmi ceux-ci, on compte aussi beaucoup de Français. Quant à la population sédentaire, elle se compose en majeure partie des mêmes élémens que l’on retrouve partout sur l’isthme, c’est-à-dire d’un mélange de la race indigène avec la race noire. Il y a aussi un petit nombre de familles d’origine espagnole ; chez quelques-unes de ces familles, le sang indien se trouve mêlé au sang castillan. Cette classe, qui constitue une sorte d’aristocratie, ne paraît pas voir d’un œil favorable les changemens qui s’opèrent autour d’elle : il semble qu’elle redoute secrètement ces étrangers venus du nord, dont l’activité bruyante forme un si grand contraste avec ses habitudes de calme et de mollesse. Ce sentiment chez elle est assez excusable, car la civilisation de l’Europe et des États-Unis ne se montre pas toujours à ses yeux sous un aspect bien favorable.

Il n’y a pas, à proprement parler, de port à Panama ; à la marée basse, les navires d’un tonnage un peu fort ne peuvent pas approcher à plus de deux milles de la ville. Les bâtimens qui ont des chargemens ou des déchargemens à opérer se tiennent mouillés généralement à cette distance : c’est sur des allèges que l’on amène les marchandises du bord à terre et réciproquement, ce qui grève le commerce d’une charge assez forte. Il y a du reste tout près des îles de Taboga et de Taboguilla, à 12 milles de Panama, un excellent mouillage où se tiennent les navires à vapeur et ceux qui amènent du charbon ou d’autres objets pour les premiers. C’est dans l’île de Taboga que les compagnies de navires à vapeur ont leurs dépôts de charbon et leurs autres établissemens, qu’elles ont soin de réduire aux proportions les plus modestes à cause de l’élévation énorme des salaires et du prix des denrées. Un petit bateau à vapeur fait journellement le service entre l’île Taboga et Panama. Cette île, comme toutes celles que l’on voit dans cette baie, est d’un effet assez pittoresque, parce qu’elle s’élève à une assez grande hauteur au-dessus de la mer ; mais, en la parcourant, on reconnaît qu’elle offre assez peu de ressources au point de vue de la culture, parce que le roc, qui appartient à la formation porphyrique, se fait jour presque partout jusqu’à la surface. Il n’y a dans l’île qu’un petit village sans importance.