Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 14.djvu/848

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rez, tous vous serez martyrs et trouverez bonne place au plus haut du paradis ! » Les Français descendent de cheval, s’agenouillent en terre, et l’archevêque de par Dieu les bénit. Pour pénitence, il leur commande de bien frapper.

Absous et quittes de leurs péchés, les Français se redressent et montent à cheval.

Roland est beau à voir, dans sa brillante armure, sur Vaillantif, son bon coursier ; les rênes d’or lui battent dans la main ; à son épieu, qu’il porte au poing, la pointe au ciel, flotte un gonfanon blanc ; il s’avance, le brave, le front clair et serein. Après lui marche son compagnon, puis tous ces nobles Français dont il affermit le courage. Il lance sur les Sarrasins son fier regard, et, tournant doucement la tête vers ceux qui l’accompagnent : « Seigneurs, dit-il courtoisement, seigneurs barons, marchez au petit pas ; ces païens courent à la mort ! »

Pendant qu’il parle, les deux armées s’approchent et se vont aborder.

« Plus de paroles, dit Olivier, vous n’avez pas daigné sonner votre olifant ; rien à attendre de l’empereur, rien à lui reprocher ! Le brave, il ne sait mot de ce qui nous arrive. La faute n’en est pas à lui. Maintenant, barons, mes seigneurs, tenez fermes, et pour Dieu, je vous en prie, ne craignons pas les coups ; sachons donner et recevoir. Surtout n’oublions pas le cri de Charlemagne. » Aussitôt les Français ont tous crié : Montjoie ! — Qui les eût entendus, de sa vie n’en perdrait la mémoire. — Puis ils s’avancent, Dieu ! avec quelle audace ! Pour couper au plus court, ils ont lancé leurs chevaux ; ils attaquent. Que peuvent-ils mieux faire ?

Les païens ne reculent pas : voilà la mêlée qui commence.

On se provoque du geste et de la voix. Le neveu de Marsille s’en vient, l’insulte à la bouche, se ruer contre Roland. Roland, d’un coup d’épieu, lui ouvre la poitrine et l’abat à ses pieds. Le frère du roi, Falsaron, veut venger la mort de son neveu, Olivier le prévient et lui plante sa lance au corps. Un certain Corsablix, un de ces rois barbares, vomit l’injure et les bravades : l’archevêque Turpin l’entend et fond sur lui à pleine lance ; il l’étend mort sur terre. Et chaque fois qu’un Sarrasin tombe, les Français crient : Montjoie ! le cri de Charlemagne.

De toutes parts les défis, les combats se succèdent ; partout les Français sont vainqueurs ; pas un païen qu’ils ne renversent ! Roland va, frappant de l’épieu, tant que le bois lui en reste à la main ; mais, au quinzième coup, l’épieu se brise ; alors il tire sa bonne épée, sa Durandal, qui si bien tranche et taille les Sarrasins. Il faut voir comme il en fait carnage, comme les morts s’entassent autour de lui ; le sang coule à flots sur la place : ses bras en sont vermeils, son cheval ruisselant. Il aperçoit dans la mêlée son fidèle Olivier, fracassant du tronçon de