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payer ses domestiques. La reine ! avons-nous dit ; mais y a-t-il encore une reine en Portugal ? Est-ce qu’il y a quelques mois, dans les spectacles mêmes où elle se trouvait, on n’attendait pas Saldanha pour lever la toile, et tous les applaudissemens de la foule n’étaient-ils point pour ce soldat sénile ? Tout récemment encore, le vieux maréchal ne choisissait-il pas, pour faire entrer solennellement dona Maria à Oporto, l’anniversaire du jour où il s’était insurgé contre elle et contre son gouvernement ? Assurément c’est un des plus tristes spectacles que celui d’une royauté ainsi humiliée par une espèce de tête grise sans cervelle. N’y a-t-il pas de quoi appeler l’attention des autres gouvernemens, et de l’Espagne surtout ?

On commence à s’inquiéter beaucoup aux États-Unis de la prochaine élection présidentielle, le résultat possible est encore fort obscur ; toutefois il est déjà facile d’apercevoir, d’après les votes des différens états pour le choix des délégués, dans quel sens la majorité se prononcera. Il y a quelques mois à peine, les whigs semblaient délaissés et sans soutien ; ils ont repris l’avantage, et le candidat whig qui paraissait avoir le moins de chances, M. Millard Fillmore, l’emporte jusqu’à présent. L’opinion publique se prononce en sa faveur, surtout dans les états du sud, où les whigs ont écarté toute autre candidature pour adopter celle-là à l’unanimité. Les whigs de la Virginie, de la Louisiane, du Texas, se sont prononcés pour M. Fillmore ; dans la Georgie, le parti unioniste, si puissant dans cet état, et qui, l’an passé, par son attitude et son ferme attachement à l’union américaine, a sauvé la république d’une crise imminente, appuie également cette candidature. Les whigs du sud soutiennent M. Fillmore, parce qu’ils voient surtout en lui le triomphe de la politique unioniste et des mesures du compromis. C’est par la raison contraire que les whigs du nord et surtout les whigs de New-York et de la Pensylvanie soutiennent la candidature du général Scott, qui, dit-on, est hostile au compromis et touche de près aux free soilers. Or les abolitionistes et les free soilers forment la majorité des whigs de New-York, du Massachusetts et de la Pensylvanie, les trois états les plus considérables de l’Union ; le parti si nombreux de M. Seward à New-York a fait adopter la candidature du général Scott, et les whigs du Massachusetts, très attachés cependant à M. Webster, ont déclaré qu’ils se rallieraient à la candidature adoptée par la Pensylvanie, dont le choix définitif se fixera sans aucun doute sur le général Scott. Toutefois l’appui des grands états du nord serait insuffisant pour assurer l’avantage au général Scott sur M. Fillmore, si certains états de l’ouest et même du sud ne lui venaient en aide ; mais, dans tous les états où les Allemands se trouvent en grand nombre, la majorité a acquise au général Scott. C’est un fait digne de remarque, que les votes émigrés allemands, qui sont généralement acquis au parti démocratique, se portent sur le candidat de n’importe quel parti aussitôt que ce candidat est un militaire ; ils ont contribué notamment à l’élection du général Taylor, et avant lui du général Harrison. Ils apportent ainsi aux États-Unis leur double esprit, leur esprit anarchique et leur esprit militaire. Si le général Scott sortait de l’urne électorale, on pourrait considérer cette élection comme hostile au compromis et dangereuse pour la cause de l’union, bien que l’honorable général se soit défendu de vouloir porter atteinte à ces mesures, qui ont terminé les différends relatifs à l’esclavage, et ait rappelé le discours prononcé par