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avoir la pensée d’ajourner encore les élections au-delà du terme présumé ; la dissolution des communes ne peut qu’être plus prochaine aujourd’hui.

Le bill de la milice a été voté non sans peine, car les radicaux se sont défendus avec beaucoup d’acharnement et de vivacité. Le ministère est redevable encore, en grande partie, de ce résultat à la parole de lord Palmerston, qui, plus hautain que jamais, a parlé avec un grand dédain de l’incompétence des marchands en matière militaire. Il en parlait jadis avec moins de dédain, et il leur reconnaissait, à ce qu’il paraît, une compétence politique, lorsque, il y a deux ans, ces mêmes marchands étaient les seuls à défendre sa diplomatie. Quoi qu’il en soit, les paroles de lord Derby au banquet du lord-maire nous sont un sûr garant que le noble lord n’a pas la moindre intention de se servir du bill de la milice d’une manière hostile à notre égard, et la réponse de notre ambassadeur nous indique assez que la flotte anglaise n’est pas à la veille d’aller croiser dans la Tamise. Lord Derby, qui a demandé le bill de la milice, ne songe pas plus à s’en servir que lord John Russell, qui l’a combattu, et parmi tous les hommes politiques qui ont soit attaqué, soit soutenu ce bill, il n’y a certainement qu’un homme qui songe à en faire usage à un moment donné : cet homme, c’est lord Palmerston.

Si l’Italie a occupé une grande place dans l’attention publique pendant ces dernières années, voilà déjà quelque temps qu’un certain silence et une demi-obscurité ont remplacé ces agitations politiques, au moins pour la plupart des pays qui la composent. C’est à coup sûr une des régions où les révolutions récentes ont eu les plus graves conséquences. De tout ce mouvement dont nous avons été témoins, — explosion de la Lombardie, manifestations populaires, proclamations de constitutions, transformations soudaines du régime absolu en régime libre, — que reste-t-il aujourd’hui ? Le Piémont, on le sait, est le seul pays qui ait conservé une tribune et un gouvernement constitutionnel. Il célébrait récemment encore l’anniversaire de la promulgation du statut, et les libéraux se plaignaient même qu’on ne le célébrât pas assez bruyamment, ce qui serait peut-être un moyen infaillible pour finir par ne pas le célébrer du tout. Le gouvernement royal a été rétabli à Naples dans toute son intégrité, et les incidens politiques sont peu nombreux et peu saillans. Rome continue à être occupée par notre armée, dont la présence ne semble pas près malheureusement de devenir inutile. La Toscane suit le même mouvement de réaction, nom cependant sans qu’il surgisse quelque épisode significatif. Il y a déjà quelques mois que la Toscane est livrée à une crise ministérielle permanente ; il se poursuit, avec des chances diverses, une assez vive lutte d’influences entre M. Baldasseroni, président du conseil, appuyé par la majorité de ses collègues, et le ministre de l’instruction publique, M. Boccella, vers qui penche peut-être en certains momens le grand-duc. Le président du conseil a plusieurs fois déjà donné sa démission, qui n’a jamais été officiellement acceptée ; aujourd’hui c’est M. Boccella qui semble définitivement succomber. Cette lutte, au reste, a un côté fort sérieux : il ne s’agissait de rien moins que de savoir si on supprimerait les lois léopoldines, qui datent d’un siècle déjà, et qui règlent dans un sens libéral tout ce qui concerne les mains-mortes, les fidéi-commis, les immunités ecclésiastiques, et en général les rapports de l’état et de l’église. M. Baldasseroni s’était prononcé pour le maintien de cette législation, et