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même, sur ses mouvemens intérieurs. Elle va avoir dans peu de jours des élections provinciales et des élections politiques pour le renouvellement d’une portion du parlement dans quatre provinces : Flandre-Orientale, Liége, Hainaut et Limbourg. Déjà tous les symptômes ordinaires de l’agitation électorale se manifestent. La question est de savoir ce qui en résultera dans la situation des partis et pour le ministère actuel, qui représente le libéralisme au pouvoir. À vrai dire, la durée du cabinet de Bruxelles nous semble un peu problématique. Qu’il ait contre lui tout l’ensemble du parti catholique fortifié, selon toutes les prévisions, par les élections prochaines, cela est assez simple ; mais c’est dans son parti même qu’il commence à ne plus jouir du même crédit qu’autrefois. Quelques hommes importans du libéralisme belge, tels que M. Dolez, député du Hainaut, MM. Rolin et d’Elhougne, représentans de Gand, qui se retirent aujourd’hui de la vie politique, l’ont appuyé jusqu’au dernier moment de leurs votes, mais non sans exprimer dans la familiarité un jugement assez sévère. L’ennui de mettre d’accord leur vote et leur pensée a sans doute motivé leur retraite. Bien d’autres encore viendront probablement grossir la phalange des mécontens. Un des griefs les plus vifs contre le cabinet de Bruxelles, c’est l’impôt sur les successions voté l’an dernier, et qui a contribué singulièrement à dépopulariser le parti libéral en Belgique. Ce qu’on lui reproche, c’est sa ténacité dans les petites choses et son inconsistance dans les grandes, c’est le peu d’habileté et de tact qu’il a montré un moment dans sa politique extérieure, c’est le désordre permanent de la comptabilité des fonds spéciaux du ministère de l’intérieur, toujours en guerre à ce sujet avec la cour des comptés, c’est l’oubli complet dans lequel le gouvernement laisse certaines parties du pays. Joignez à ceci la hauteur blessante du ministre des finances, M. Frère, trop visiblement imbu de son importance, — la capacité peu constatée de M. Van-Hoorebeke, ministre des travaux publics, qui n’a réussi jusqu’ici qu’à mécontenter tout le monde par des œuvres ruineuses et peut-être inutiles. Ce sont là, si l’on veut, des griefs de détails et secondaires ; ils ne sont point les seuls, et ils sont dominés encore par un grief d’un caractère plus sérieux et plus politique : c’est le reproche qu’on fait au cabinet Rogier-Frère de l’étroit esprit de coterie qui l’inspire, de ses tendances à se mettre perpétuellement en guerre avec l’église, de manière à faire de cet antagonisme une politique. Nous ne voulons évidemment rien exagérer ; mais enfin il y avait pour le cabinet belge des vices d’origine qui étaient à corriger, et qui n’ont fait que se développer. Le ministère avait à secouer le joug des associations libérales qui l’avaient porté au pouvoir, et il n’a fait que leur obéir. Il a fait du gouvernement l’instrument des associations de Bruxelles, de Gand et de Liége. C’est là la faiblesse du cabinet de M. Rogier, et c’est probablement ce qui le tuera dans l’état actuel des partis.

Bien des publications révèlent et expliquent ces mouvemens de l’opinion en Belgique. Aucune n’est plus remarquable que celle d’un homme éminent, M. de Decker, sur l’esprit de parti et l’esprit national. M. de Decker est un membre du parti catholique, libéral et modéré. Ce qu’il montre dans sa brochure, où respire un chaleureux patriotisme, c’est l’impossibilité pour l’esprit de parti de rien fonder en Belgique ; ce qu’il poursuit dans le cabinet actuel, c’est l’expression d’un libéralisme exclusif qui jure avec les traditions nationales,