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atteint en avril au chiffre de 9 millions 600,000 fr. d’augmentation. Nous ne demandons pas mieux que de tirer de ces chiffres d’heureux présages pour l’avenir, et d’y voir le signe d’une amélioration réelle, de l’activité nouvelle des affaires, du mouvement des transactions et du commerce, et d’une sorte de réveil de la confiance publique. Il n’y a qu’une chose à souhaiter et à espérer : c’est la bonne politique qui sait appliquer utilement et convenablement ces ressources croissantes de l’état.

Si toutes ces matières qui touchent au progrès matériel et commercial du pays sont plus que jamais faites, comme nous le disions, pour attirer l’attention des esprits sérieux, nul assurément ne peut s’y consacrer avec plus de fruit et de succès que M. Michel Chevalier. L’habile économiste vient de résumer dans un livre, — Examen du système commercial connu sous le nom de système protecteur, — une des questions les plus graves pour notre avenir industriel et commercial. Il ne s’agit, en effet, de rien moins que de savoir si la France proclamera la liberté du commerce, ouvrira ses ports et ses frontières, ou si elle maintiendra les tarifs qui protégent son industrie. M. Michel Chevalier est très décidé pour les doctrines du libre échange. On ne saurait avoir plus de spirituelle érudition, plus de verve, plus d’éloquence contre le système protecteur. Il y aurait cependant un petit nombre d’observations à faire, et qui sont plutôt de bon sens que de science. D’abord n’est-il point vrai que l’industrie française a fait de grands et sérieux progrès depuis long-temps ? Or c’est bien quelque chose à considérer qu’un régime sous lequel a grandi notre industrie. En outre, l’expérience faite par l’Angleterre a-t-elle produit des résultats assez manifestement bienfaisans pour être décisive, et pour pouvoir servir d’exemple aux peuples qui n’ont point vécu dans les mêmes conditions ? Le libre échange est-il aussi populaire dans la Grande-Bretagne elle-même aujourd’hui qu’il l’était à l’époque où Robert Peel en fit le pivot de sa politique commerciale ? Ce qui ressort de plus pratique et de plus vrai des remarquables pages de M. Michel Chevalier et de bien d’autres travaux consacrés à cette question, c’est qu’il y a réellement à faire une étude soigneuse et attentive de nos tarifs ; il y a des inégalités à effacer, des exagérations à atténuer, des prohibitions à écarter. Si l’ensemble du système commercial d’un pays est une des choses auxquelles il faille toucher avec le plus de circonspection et de réserve, il y a évidemment aussi dans notre temps des nécessités à satisfaire : ce sont celles qui résultent de l’immense mouvement imprimé au monde, du penchant des peuples à se lier par les relations commerciales plus encore que par les relations politiques, de la rapidité et de l’accroissement des communications internationales, de toute cette vie contemporaine, en un mot, qui met naturellement tous les pays en échange permanent d’influences et de produits. Il y a là, il nous semble, un double intérêt à sauvegarder, au point de vue des faits, du développement pratique, plus encore qu’au point de vue d’une science dont les principes ne sont peut-être pas toujours très conformes à la réalité.

La Belgique est-elle remise de ses émotions d’il y a quelques mois ? Elle semble pour le moment infiniment moins préoccupée de créer des camps retranchés, de se défendre contre des attaques dont on n’a guère la pensée, nous le croyons, et dont on a perdu même l’habitude de parler chez nos voisins du nord. L’attention de la Belgique aujourd’hui est tout entière portée sur elle-