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devant les ambitions plébéiennes ; les hommes de toutes les origines furent appelés au service de l’état sans distinction comme sans méfiance, ou, si des rigueurs s’exerçaient encore, c’était contre les triomphateurs humiliés de 1815. Les foudres du parquet frappaient des écrivains monarchiques indignés de subir les arrêts d’une justice rendue au nom du roi. Les habitués du pavillon Marsan n’occupaient guère moins la police que les correspondans de Sainte-Hélène ; elle poursuivait la cocarde verte avec non moins d’énergie que la cocarde tricolore ; le commandement des gardes nationales était retiré à Monsieur, et le Conservateur suscitait au château des irritations bien autrement vives que la Minerve.

Chaque session fut marquée par une conquête législative, comme chaque journée l’était par des gages donnés aux hommes et aux intérêts nés de la révolution. En 1817, M. Lainé faisait passer, malgré les clameurs de la droite et les hésitations des meilleurs esprits, la loi célèbre qui conférait le droit d’élection directe à quatre-vingt mille propriétaires ou patentés réunis en un seul colléges par département, et, repoussant avec une confiance que l’avenir devait tromper les prophétiques menaces de l’opposition royaliste, il s’écriait : « Si la France abusait d’une loi qui consacre aussi loyalement l’alliance de la royauté et de la nation ; si, conduite au port par une main bienfaisante, elle s’en éloignait volontairement pour affronter de nouveaux orages, un tel peuple serait ingouvernable, ce serait pour en désespérer. » En 1818, le maréchal Gouvion Saint-Cyr rédigeait la charte de l’armée. Le roi, qui en était le chef suprême, posait lui-même à sa prérogative constitutionnelle des limites infranchissables. Les citoyens voyaient leurs droits garantis dans la vie militaire aussi sévèrement que dans la vie civile, et la noblesse était pour jamais atteinte au cœur en perdant le privilège qui, durant tant de siècles, avait fait son honneur et sa force. En 1819, pour protéger la loi électorale contre l’opposition de la chambre haute dont M. de Barthélemy avait été l’organe, M. Decazes brisait la majorité de cette assemblée en y introduisant soixante-dix membres nouveaux. Au nombre de ceux-ci, pris en presque totalité parmi les serviteurs du régime impérial, figuraient la plupart des anciens sénateurs qui avaient perdu leur siège en juillet 1815 pour avoir figuré dans la pairie des cent-jours. La consécration des droits venait chaque jour confirmer la réhabilitation des personnes ; ceux des donataires de l’empire étaient garantis ; les chambres étaient saisies d’un projet sur la responsabilité ministérielle et votaient sur la presse la meilleure loi que la France ait possédée.

Depuis le 5 septembre 1816, la royauté ne reculait devant aucun devoir ni devant aucun sacrifice pour s’assimiler la France nouvelle. Le gouvernement représentatif était loyalement pratiqué. Les ennemis de