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dominent énergiquement le sentiment provincial et celui de la propriété terrienne. Le même esprit lui inspira une tentative plus énorme. Elle voulut établir des distinctions de date, de drapeau et de parti dans des matières où de telles distinctions sont impossibles, et, refusant de seconder le gouvernement royal dans ce respect inviolable pour tous les engagemens contractés par le pays sous les gouvernemens précédens, respect qui était de l’habileté financière autant que de l’honnêteté politique, elle entreprit de frapper les nombreux créanciers de Parriéré d’une sorte de banqueroute partielle. On pouvait assurément donner ce nom à une mesure qui tendait à fournir à ceux-ci, en acquit de leurs créances liquidées, des rentes sur l’état qui, au cours de la place, perdaient alors de 40 à 50 pour 100.

De tels projets rencontraient des résistances énergiques dans les lumières des principaux membres du conseil et au sein de la chambre des pairs, moins dominée par l’esprit de castel et de clocher. L’abîme s’élargissait chaque jour entre la politique expérimentale qui tentait de fonder la monarchie sur les intérêts dominans et la politique théorique qui aspirait à faire reculer ceux-ci par la résurrection d’influences éteintes. Ces points de vue opposés et ces espérances si diverses venaient, de part et d’autre, se résumer dans la combinaison d’une loi électorale qui manquait encore à l’ensemble de la législation politique. La droite entendait asseoir cette loi fondamentale sur le patronage rural et la prépondérance de la propriété agricole : elle espérait atteindre ce but par un système à deux degrés qui confiait à tous les citoyens payant 50 francs de contributions directes, réunis en assemblées de canton, le droit de désigner des candidats au choix des collèges départementaux. Ces derniers colléges étaient formés de tous les citoyens domiciliés dans le département et payant 300 francs d’impositions. Dans les collèges électoraux des départemens, le nombre des électeurs ne pouvait être au-dessous de cent cinquante, et ce nombre était subsidiairement complété par les citoyens âgés de trente ans ne payant pas 300 francs. Les députés étaient élus pour cinq ans, et le renouvellement de la chambre s’opérait intégralement. Ce projet, élaboré avec beaucoup de soin par M. de Villèle, marqua le premier pas de sa carrière. Appuyé à la chambre des pairs par la parole étincelante de M. de Chateaubriand, à la chambre des députés par la raison sans éclat de Corbière, il devint l’évangile du parti, et celui-ci ne s’en écarta jamais, même au plus ardent paroxysme de son opposition. Je tiens à constater ce fait pour protéger les hommes de 1815 contre une calomnie posthume, en montrant qu’ils ne conçurent pas même la pensée du suffrage universel dont certains publicistes leur imputent l’honneur d’avoir eu l’initiative.

À ce projet le gouvernement en opposait un autre. Présenté par M. de