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De 1823 à 1827, chaque session fut marquée par une loi organique loi des substitutions et du droit d’aînesse, lois du sacrilège et de la presse. Chaque année s’élevait une assise de plus de l’édifice destiné à abriter une longue suite de générations, et l’on croyait conquérir un gage de durée à tous les pas qu’on faisait pour se rapprocher de l’abîme. À chaque effort tenté par la majorité législative soit pour transformer l’idée monarchique en dogme, soit pour fonder une aristocratie territoriale, soit pour protéger la religion par des prérogatives politiques ou des dispositions pénales, correspondait un affaiblissement simultané de l’élément même qu’on aspirait à fortifier, et les mœurs protestaient avec violence contre les lois. La royauté, qu’il aurait fallu présenter comme la sauvegarde des intérêts généraux et défendre par ses effets plus que par son principe, fut compromise au sein du pays le plus monarchique de l’Europe par les théories de métaphysique et d’histoire inventées pour lui créer un titre mystérieux supérieur à toutes les vicissitudes humaines. Le pouvoir constituant que l’auteur de la charte avait dissimulé dans une rédaction habile fut brutalement étalé comme une doctrine fondamentale ; toute une école de logiciens brouillons se mit à cheval sur l’article 14, et de syllogisme eu syllogisme on marcha droit aux ordonnances et à la révolution de juillet.

Mais ce fut surtout en poursuivant l’union des intérêts politiques avec les intérêts religieux qu’on aboutit à des résultats de nature à ouvrir, ce semble, les yeux des plus aveugles. Les inimitiés qui s’attachaient à la dynastie régnante, celles plus nombreuses encore qui poursuivaient son parti, se portèrent avec une impétuosité sans exemple sur l’église, dont ce parti s’évertuait à lier les destinées à celles de la royauté légitime, et la solidarité présentée par les orateurs de la droite comme une garantie non moins précieuse pour l’autel que pour le trône produisit contre l’un et l’autre une effroyable accumulation de haines et de colères. Ce fut par le côté politique que, durant la restauration, les couches inférieures de la bourgeoisie entrèrent si profondément dans les voies d’irréligion au bout desquelles étaient les grands scandales et les grands abaissemens de ces dernières années.

Un système dont l’effet nécessaire était d’enrôler sous le même étendard l’incrédulité et l’opposition, et de jeter dans une lutte violente tous les intérêts issus de la révolution et toutes les vanités nourries par elle, était un véritable danger public, quelles que fussent chez ses partisans la droiture des intentions et l’élévation de la pensée. En défendant en principe l’union de l’état avec l’église, on partait d’idées théoriquement incontestables sans doute : soit qu’on la fît procéder des traditions nationales, soit qu’avec MM. de Bonald, de Maistre et de Lamennais, cette grande trinité des penseurs monarchiques, on remontât