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fondamental de la monarchie française. Aux yeux des hommes de la droite, quelles que fussent d’ailleurs leurs croyances religieuses, la maison de Bourbon et la religion catholique étaient en France dans des rapports semblables à ceux qui unissent en Angleterre la maison de Hanovre à l’établissement anglican, et les moyens politiques et financiers employés dans la Grande-Bretagne pour protéger l’église nationale et maintenir l’édifice du state and church étaient alors généralement considérés comme les seuls propres à ranimer la foi de nos pères ; à lui rendre la possession des intelligences et des ames. On confondait dans une pensée commune la restauration de l’église et celle de la monarchie, et l’on ne concevait pas plus d’hésitation sur le principe que de doute sur les conséquences salutaires d’une législation tendant à protéger par des pénalités rigoureuses les plus augustes mystères de la foi.

À la suite de cette consécration réciproque de la religion par la politique et de la politique par la religion venaient les rapports civils des citoyens entre eux et des diverses classes entre elles, rapports que la royauté légitime avait, selon l’école monarchique, le droit et l’impérieux devoir de réformer. Sa mission ne se bornait pas, en effet, à tracer les formes extérieures d’un gouvernement ; il fallait qu’elle rétablît dans la famille et dans la cité les principes de permanence et de perpétuité d’après lesquels les peuples vivent et prospèrent. « Aucun droit n’est assuré, » s’écriait avec sa pittoresque énergie un des plus éminens publicistes de cette école. « Y a-t-il des familles dans l’état, n’y a-t-il que des individus ? Quel est le droit des pères sur leurs enfans ? Quel est celui des maîtres ? Qu’est-ce que le droit de tester ? Qu’est-ce que la propriété ? Est-ce l’argent qui doit avoir la prépondérance dans nos mœurs ? est-ce l’honneur ? Les familles vouées depuis des siècles au service de l’état abdiqueront-elles le sentiment de leur élévation héréditaire près de familles nouvellement élevées par le crime ou par le trafic ?… La révolution a-t-elle adopté le roi, ou est-ce le roi qui a adopté la révolution ? Si le roi était la seule force, il n’aurait bientôt plus de force ; s’il était la seule dignité, il n’aurait bientôt plus de dignité. Le gouvernement n’a point à se contenter des faibles et insuffisantes dispositions de l’art. 7 de la charte : la noblesse n’est ni assise ni constituée, elle vit en plein air… Il devra constituer la cité par l’établissement parallèle d’un système d’enseignement libéral et d’un système correspondant de corporations, de maîtrises et de jurandes. Le retour des corporations est commandé sous d’autres rapports. Les corporations sont des classifications aussi nécessaires que la division des troupes par compagnies et par régimens. Les rangs une fois fixés, la naissance, la maison, la famille, le domaine une fois reconnus, constitution de la cité-territoire, civitas, une fois établie, celle de la cité,