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propre parti ; les manifestations moins sérieuses que bruyantes de celui-ci n’avaient été d’aucun poids dans la balance des événemens, et la maison de Bourbon avait, en 1814, cette heureuse fortune, de devoir plus à ses anciens adversaires qu’à ses amis éprouvés. Si cette situation, qui dispensait la royauté de toute reconnaissance envers les siens, contrariait les alentours du prince, elle allait fort bien à son caractère et à la nature de son esprit. Louis XVIII était très propre à appliquer ce système de transactions perpétuelles entre les principes et les personnes qui était la condition vitale de son gouvernement, et auquel il fut généralement fidèle jusqu’au 20 mars, malgré quelques fautes singulièrement exagérées par les injustices de l’opinion. Le roi tourna toutes les difficultés qu’il ne pouvait aborder de front. Le projet de constitution voté par le sénat le 6 avril, accepté par le comte d’Artois comme condition de l’exercice de la lieutenance-générale, ne fut pas repoussé par lui, quelque résolu qu’il fût à ne pas laisser périmer son droit d’initiative : profitant avec habileté des imperfections de cet acte, reconnues par ses auteurs eux-mêmes, il prit l’engagement de préparer sur les mêmes bases un travail conçu dans le même esprit, et la déclaration de Saint-Ouen s’efforça de concilier, par une grande souplesse de rédaction, les doctrines qui partageaient la nation depuis soixante ans. Cette déclaration combinait en effet les maximes du vieux droit historique avec tous les principes et toutes les garanties de 1789. Enfin la commission, tirée du corps législatif et du sénat, à laquelle le roi confia la rédaction du pacte fondamental, offrit par ses membres d’abord, et bientôt après par son œuvre, les gages les plus complets aux intérêts et aux hommes issus de la révolution. Celle-ci n’était point amnistiée, mais consacrée, et la royauté légitime sanctionnait le droit de la France nouvelle en même temps qu’elle maintenait le sien.

La maison de Bourbon commit sans doute une irréparable faute en ne saisissant pas, aux premiers mois de 1814, l’admirable occasion que lui envoyait la fortune de réclamer pour son œuvre législative la sanction nationale, qui aurait impliqué le renouvellement solennel du contrat passé entre nos pères et les siens. Cette sanction pouvait seule renouer la chaîne des temps si complètement rompue : elle ne lui aurait pas manqué sous le coup de la paix et dans l’entraînement des premières espérances plus qu’elle n’a manqué à aucun des pouvoirs qui l’ont réclamée pour la consécration d’un fait accompli. La restauration, survenant tout à coup au milieu de la France de l’empire, était, quoi qu’elle en pût penser, une révolution à laquelle manquait un titre ; prétendre s’imposer en vertu d’un contrat immémorial inconnu ou contesté, c’était s’exposer à rester sans racines, sous prétexte de ne pas les laisser découvrir. Mais Louis XVIII répugnait invinciblement à une concession qui lui semblait impliquer la répudiation du droit de ses